Bacteroides fragilis régule l'inflammation intestinale

Une bactérie contre les MICI

Publié le 28/05/2008
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Elle s'appelle Bacteroides fragilis et elle vous veut du bien. Des chercheurs américains viennent en effet de démontrer que cette bactérie commune de la flore intestinale aurait la capacité de prévenir la survenue des maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI). Ce micro-organisme produit en effet un polysaccharide qui semble capable de supprimer la production de cytokines pro-inflammatoires associée aux MICI. Dennis Kasper et ses collègues espèrent que leur découverte conduira rapidement à la mise au point de traitements se fondant sur l'administration de la bactérie ou d'une forme purifiée de son polysaccharide anti-inflammatoire.

Déséquilibres de la flore bactérienne intestinale.

La maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique résultent de réponses immunitaires inflammatoires inadaptées, dirigées contre des bactéries commensales de l'intestin. Les mécanismes responsables de ces réponses aberrantes sont encore mal compris, mais tout semble indiquer qu'ils dépendent à la fois de facteurs génétiques et de facteurs environnementaux. Parmi les facteurs environnementaux incriminés, les déséquilibres de la flore bactérienne intestinale sont fréquemment évoqués. Il apparaît en effet que le microbiote intestinal des patients souffrant d'une maladie de Crohn ou d'une rectocolite hémorragique est significativement différent de celui observé chez des sujets sains.

Récemment, diverses observations ont conduit Kasper et ses collaborateurs à soupçonner l'existence d'un rôle important de la population intestinale en Bacteroides fragilis dans le fonctionnement du système immunitaire intestinal. Les chercheurs ont notamment découvert que la bactérie suffit à rétablir une immunité intestinale normale chez des souris dépourvues de toute flore intestinale. Ce phénomène dépend de la production du polysaccharide bactérien PSA (pour « PolySaccharide A »).

L'équipe américaine a alors décidé de tester le rôle de B.fragilis et de son PSA dans l'évolution des inflammations chroniques de l'intestin. Les chercheurs ont travaillé sur le modèle de la souris. Ils ont infecté les animaux à l'aide d' Helicobacter hepaticus, un pathogène connu pour déclencher des colites similaires à celles observées chez les patients souffrant de MICI. Une partie des souris ont également reçu une dose de B.fragilis.

La production bactérienne du PSA (« PolySaccharide A »).

L'expérience a montré que B.fragilis prévient l'inflammation intestinale provoquées par H.hepaticus. B.fragilis prévient également les colites chimio-induites. Dans les deux cas, l'action bénéfique semble dépendre de la production bactérienne du PSA, car elle n'est pas observée lorque les animaux recevait une souche de B.fragilis génétiquement modifiées pour ne plus exprimer le polysaccharide.

Kasper et ses collègue ont donc renouvelé leurs expériences en administrant, non plus la bactérie, mais uniquement le PSA purifié aux souris. Là encore, une protection importante contre l'inflammation intestinale a été obtenue.

Des analyses complémentaires ont permis d'en savoir plus sur le mode d'action du PSA. Le polysaccharide semble induire la production locale d'interleukine 10, une des plus puissantes cytokines anti-inflammatoires.

«Ces résultats constituent la première preuve de l'existence de molécules issues de bactéries symbiotiques qui travaillent en réseau avec le système immunitaire d'un mammifère», soulignent les auteurs. «Nos observations suggèrent que beaucoup d'autres facteurs symbiotiques –des molécules bactériennes qui ont évolué en améliorant la santé humaine– restent à découvrir», concluent-ils.

S. Mazmanian et coll., « Nature » du 29 mai 2008, vol. 453, pp. 620-625.

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Source : lequotidiendumedecin.fr: 8380