L'ÉQUIPE des Drs Harry Sokol (Institut national de la recherche agronomique) et Philippe Langella (hôpital Lariboisière, Paris)* s'intéresse de longue date au lien entre les bactéries microbiotiques intestinales et les maladies inflammatoires des intestins. Des données préliminaires tendent à prouver qu'il existe un lien entre le contenu bactérien intestinal et les phénomènes inflammatoires locaux. Chez les patients qui présentent des crises à répétition, la flore bactérienne est moins abondante et moins diversifiée que chez les sujets plus stables. L'équipe française a concentré son travail, dans un premier temps, sur une analyse de la composition de la flore intestinale iléale de patients atteints de la maladie de Crohn ayant subi une résection iléale en raison d'une forme active de la maladie. Elle a ont comparé cette donnée avec une mesure de la flore iléale six mois après l'intervention initiale. Le travail a porté sur treize patients. Chez les sujets dont la proportion de Faecalibacterium prausnitzii était la plus faible, l'incidence des récidives endoscopiques était la plus importante. Un lien similaire a été détecté avec le taux de Clostridium coccoides, une autre bactérie de la famille des Firmicutes.
Beaucoup d'IL10, cytokine anti-inflammatoire.
Partant de cette constatation, les auteurs ont imaginé que les rémissions cliniques pouvaient être liées avec la présence de F.prausnitzii. Ils ont donc procédé à un contact expérimental invitro entre des cellules mononucléées du sang périphérique et F.prausnitzii. La présence de la bactérie induit une immunomodulation avec une induction très faible de cytokines pro-inflammatoires (IL12 et interféron gamma), alors que le taux d'IL10 (cytokine anti-inflammatoire) était fortement majoré. Dans un second temps, ils ont transféré le surnageant de F.prausnitzii centrifugée sur des cellules Caco-2, avec ou sans stimulation par l'IL1 bêta. Sur les cellules Caco-2 transfectées avec un gène qui majore l'activité NF-kappa B, F.prausnitzii n'induit aucun effet sur l'activité IL1 bêta induite par le NF-kappa B, alors que le surnageant permet de la réduire. Par ailleurs, ce même surnageant réduit la sécrétion d'IL8 des mêmes cellules Caco-2. Les auteurs ont ensuite prouvé que le surnageant n'induit pas d'activité antibactérienne invitro.
Gravité limitée chez la souris.
Ils sont alors passés à une phase de travail invivo. Chez des souris atteintes de colite sévère, l'ingestion intragastrique de F.prausnitzii ou du surnageant a permis de limiter la gravité de l'atteinte intestinale. L'analyse cytopathologique des cellules intestinales de ces animaux a retrouvé une sécrétion majoré d'IL10 et une baisse du TNF alpha et de l'IL12 locale. Pour valider leur hypothèse initiale, les auteurs ont analysé la flore intestinale chez des souris atteintes et chez les animaux traités. L'utilisation de la bactérie ou de son surnageant tend à contrebalancer la dysbiose associée à la maladie. Ainsi, les taux de C.leptum, de C.coccoides et de Bacteroides se rapprochent de la normale après traitement. Enfin, le Dr Harry Sokol a traité par voie intrapéritonéale des souris atteintes de colite par la bactérie ou son surnageant. Il voulait prouver que le traitement pouvait agir par une autre voie que la voie digestive. Cent pour cent des animaux traités ont survécu à l'induction des lésions de colites, contre 10 % chez les témoins et 40 % chez les animaux traités par dexaméthasone. Pour les auteurs, « F. prausnitzii pourrait être utilisé comme unprobiotique dans la prévention des atteintes intestinales de la maladie de Crohn, mais il reste à déterminer quelle catégorie de patients pourrait être la plus à même de bénéficier d'une telle approche thérapeutique».
« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
* Équipe qui inclut également des chercheurs de l'INSERM, de l'Institut Pasteur et du laboratoire de biologie EA3199.
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