«DANS CETTE NOUVELLE étude, nous avons montré qu’un ARNi thérapeutique peut être administré par voie systémique (ici par injection dans la circulation sanguine) chez un primate non humain, à des doses cliniquement viables», explique au « Quotidien » le Dr Nagesh Mahanthappa, l’un des directeurs de la compagnie pharmaceutique Alnylam (Cambridge, Etats-Unis). «Grâce au mécanisme d’ARNi, nous observons une inhibition spécifique et soutenue d’un gène impliqué dans une maladie. Dans le cas présent, le gène encode l’apolipoprotéineB (apoB), un gène exprimé par le foie et crucial pour le métabolisme des LDL, le mauvais cholestérol.»
De nombreuses études ont démontré une association entre des taux élevés d’apoB et de LDL et un risque accru de maladies coronariennes. L’apoB, exprimée principalement dans le foie et le jéjunum, est une protéine essentielle pour l’assemblage et la sécrétion des lipoprotéines de très faible densité (Vldl) et de faible densité (LDL).
Protéine apoB et LDL cholestérol.
Il pourrait donc être salutaire d’abaisser les taux d’apoB ; mais la protéine apoB ne peut être ciblée par les médicaments conventionnels (petites molécules, anticorps monoclonaux). Des approches ciblant l’apoB par des oligonucléotides antisens sont actuellement en développement préclinique et clinique.
Zimmermann et coll. ont mis au point un petit ARN d’interférence (ARNi) qui inhibe spécifiquement le gène APOB, et l’ont encapsulé dans des liposomes (Snalp, ou Stable Nucleic Acid-Lipid Particles).
Ils ont ensuite administré cet ARNi encapsulé à des singes cynomolgus (aux doses de 1 ou 2,5 mg/kg, injectées par voie intraveineuse).
«Une injection unique d’un petit ARNi ciblant spécifiquement l’apoB a entraîné des réductions importantes des taux de la protéine apoB, du cholestérol sérique et des LDL, dès 24heures après le traitement, et de façon prolongée pendant au moins onze jours», précise le Dr Mahanthappa, pour lequel «ces résultats démontrent le pouvoir des ARNi».
Des essais cliniques sont envisagés.
«Ces résultats sont spectaculaires, mais nous devons encore optimiser le protocole thérapeutique et caractériser le profil de sécurité», prévient-il.
«Nous espérons pouvoir commencer en clinique, dans les dix-huit à vingt-quatre prochains mois, l’évaluation d’une administration systémique d’ARNi», laisse-t-il entrevoir.
Les chercheurs étudieront quels sont les domaines thérapeutiques les plus appropriés. «Il existe un certain nombre de champs thérapeutiques qui, à notre avis, pourraient bénéficier d’une approche thérapeutique systémique par ARNi, parmi lesquels le cancer et les infections virales. Nous étudierons le type de maladies que nous ciblerons avec cette approche dans un premier temps. »
Zimmermann et coll. « Nature », 26 mars 2006.
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