Le MOPRAL, ANTIULCEREUX numéro un des ventes en France, (il représente à lui seul 2,5 % des remboursements présentés à la Sécurité sociale) et fabriqué par le laboratoire anglo-suédois AstraZeneca, n'est plus protégé par son brevet depuis hier, 14 avril, et c'est dès aujourd'hui que ses premières copies génériques font leur apparition chez les pharmaciens.
Pour comprendre l'enjeu de la bataille qui se profile chez les génériqueurs, il faut savoir que le Mopral (oméprazole étant le nom de son principe actif) représente en France quelque 450 millions d'euros de chiffre d'affaires. Une occasion trop belle pour les douze laboratoires qui occupent en France le créneau du générique, et qui, pour la majorité d'entre eux, seront présents dans les tout prochains jours sur le marché de l'oméprazole .
Pour Hubert Olivier, P-DG du Laboratoire Ratiopharm, l'un des « gros » du générique, « notre stratégie est d'être présents sur le marché à J+1. En conséquence, l'oméprazole Ratiopharm sera disponible chez les pharmaciens dès le 15 avril », c'est-à-dire aujourd'hui. Ratiopharm, qui a réalisé en 2003 un chiffre d'affaires de 36 millions d'euros, compte en réaliser 65 millions en 2004. L'oméprazole sera l'une des principales raisons de ce quasi-doublement attendu du chiffre d'affaires.
Selon Pascal Brière, vice-président de l'association Gemme (Génériques Même Médicaments), qui regroupe les principaux laboratoires génériqueurs implantés sur le sol français, « 100 % des laboratoires de génériques seront prêts le jour J. Il y aura donc 12 génériques du Mopral dans la semaine suivante ».
Pas d'affolement.
Chez AstraZeneca, qui fabrique le Mopral, le leitmotiv est : « Pas d'affolement : le fait qu'un médicament tombe dans le domaine public, c'est dans la logique de la vie de ce médicament. » AstraZeneca avait d'ailleurs largement anticipé l'événement en commercialisant depuis 2001 un nouvel antiulcéreux, l'Inexion, qui, selon AstraZeneca « améliore encore la prise en charge des patients, et a fait la preuve de son efficacité dans le traitement des problèmes gastriques ». Pour preuve, AstraZeneca a réalisé 568 millions de dollars de chiffre d'affaires au niveau mondial en 2001 avec Inexion. Ce chiffre est passé à 3,3 milliards de dollars en 2003, « preuve de son efficacité », selon le laboratoire.
Une efficacité que relativisent parfois certains experts : la puissante FDA américaine (Food and Drug Administration), qu'on peut comparer à l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) pour ce qui est des médicaments, a jugé l'Inexion « 3 % plus efficace que son prédécesseur, le Mopral ».
Quoi qu'il en soit, chez AstraZeneca, on reste confiant sur l'avenir des ventes du Mopral : « Il y aura une baisse inévitable du chiffre d'affaires, mais les médecins sont attachés à ce médicament car ils connaissent les efforts déployés par AstraZeneca en matière de recherche, d'information médicale et de formation. » Et de souligner le fait que le laboratoire investit 10 millions de dollars par jour, dans le monde, pour sa recherche et développement. De plus, ajoute-t-on, « les praticiens qui ont l'habitude de prescrire le Mopral connaissent son efficacité. Tout comme les patients ». Sous-entendu : il ne sera pas facile pour les génériques de prendre sa place. Du moins rapidement.
Preuve d'une certaine confiance du laboratoire ; alors que les génériqueurs vont appliquer un prix de vente inférieur d'environ 30 % à celui du Mopral (un prix de vente qui sera le même pour tous et qui est fixé par le Comité économique des produits de santé, Ceps), AstraZeneca n'envisage pas de baisser le prix de son Mopral et rappelle qu'il a déjà, dans le passé, réduit son prix à plusieurs reprises après négociations avec le Comité économique des produits de santé.
Tous gagnants ?
AstraZeneca semble donc confiant dans l'avenir du Mopral. Les génériqueurs se frottent les mains devant les parts de marché qui se dessinent ; et l'assurance-maladie semble penser qu'elle tirera des profits de l'arrivée des génériques du Mopral : la Cnam évalue en effet à environ 50 millions d'euros les économies créées par leur mise sur le marché (voir ci-contre), et espère en faire encore plus en 2005.
Toujours selon la Cnam, le Mopral, « qui est arrivé en 2001 et 2002 en tête du classement des produits qui occasionnent le plus de dépenses pour l'assurance-maladie, a représenté pour le régime général de la Sécurité sociale 316,7 millions d'euros de remboursements en 2002, sur un total de 11,3 milliards d'euros de remboursements ».
Des économies qui seront encore plus importantes dans les prochaines années, puisque le Mopral n'est pas le seul médicament à tomber dans le domaine public en 2004 (voir encadré).
Un autre médicament phare, le Stilnox, fabriqué par Sanofi-Synthélabo, sera en effet généricable dès le 9 juin prochain ; ce qui devrait également faire le bonheur de la majorité des laboratoires génériqueurs. Selon Hubert Olivier (Ratiopharm), l'ensemble des médicaments qui doivent tomber dans le domaine public en 2004 représente un chiffre d'affaire annuel de 750 millions d'euros.
Quant à l'association Gemme, elle estime que le marché des médicaments généricables devrait croître de 30 % en 2004. « Une nouvelle ère s'ouvre, conclut Pascal Brière, avec la tombée dans le domaine public, entre 2005 et 2010, de beaucoup de grands produits qui avaient bénéficié en France d'une prolongation de la durée des brevets. » Manifestement, pour les génériqueurs, avec la bénédiction de l'assurance-maladie, les choses sérieuses, et vraiment intéressantes, commencent.
Ces molécules qui perdent leur brevet en 2004
Outre le Mopral 20 mg, dont les copies génériques vont commencer à sortir sur le marché dès aujourd'hui, une dizaine de médicaments ont suivi ou vont suivre le même chemin au cours de cette année 2004.
- Captolane 25 mg/50 mg (Aventis). DC : captopril hydrochlorothiazide, depuis le 27 janvier.
- Oflocet 200 mg (Aventis). DC : ofloxacine, depuis mars.
- Mopral 20 mg (AstraZeneca). DC : oméprazole, le 15 avril. A noter que le Mopral 10 mg ne sera généricable qu'en septembre prochain.
- Seropram (Laboratoires Lundbeck). DC : citalopram, courant avril.
- Stilnox 10 mg (Sanofi-Synthélabo). DC :
zolpidem, le 9 juin.
- Prinivil 5 mg/20 mg (Bristol-Myers Squibb). DC :lisinopril, le 7 octobre
- Ciflox 5 mg/20 mg (Bayer Pharma). DC : ciprofloxacine, le 1er novembre.
- Physiotens 0,2 mg/0,4 mg (Solvay Pharma). DC : moxonidine, le 13 novembre.
- Virlix 10 mg (Sanofi) DC : cétirizine, le 6 décembre.
- Renitec 12,5 mg/20 mg (Merck Sharp & Dohme-Chibret). DC : énalapril hydrochlorothiazide, le 30 décembre. La formule 5 mg est déjà génériquée.
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