SI LES ADÉNOVIRUS sont le plus souvent responsables d'infections bénignes, de type rhume ou pharyngite, ces virus peuvent entraîner des pathologies particulièrement sévères chez les sujets immunodéprimés, en particulier chez les enfants qui viennent de recevoir une greffe de moelle. Or, jusqu'à présent, qu'il s'agisse d'un banal « coup de froid » contracté par un adulte sain ou d'une broncho-pneumopathie sévère avec détresse respiratoire développée par un enfant récemment greffé, on ne disposait d'aucune arme permettant de lutter de manière spécifique contre les infections à adénovirus.
Mais les choses pourraient rapidement changer grâce aux travaux d'une équipe de chercheurs de l'université de Saint- Louis (Missouri). William Wold et coll. viennent, en effet, de démontrer qu'une molécule récemment identifiée pour sa capacité à inhiber la réplication du virus de la variole aurait également une activité anti-adénovirus.
Se réplique très mal dans les cellules.
La principale raison pour laquelle personne n'avait jamais réussi à mettre au point un traitement spécifique des infections à adénovirus tient au fait que cette famille de virus se réplique très mal dans les cellules des animaux classiquement utilisés en recherche préclinique. William Wold et coll. ont trouvé une parade à ce problème. Les chercheurs ont découvert que les hamsters syriens immunodéprimés développent une pathologie infectieuse semblable à celle des enfants sous immunosuppresseur lorsqu'on leur inocule un adénovirus. L'équipe américaine a alors décidé d'utiliser ce stratagème pour tester l'effet antiviral du CMX001.
Le CMX001 est un dérivé du cidofovir, un analogue nucléosidique utilisé dans le traitement des infections à cytomégalovirus, en particulier dans celui de la rétinite à cytomégalovirus de l'immunodéprimé, ainsi que dans le traitement des infections à papillomavirus. Diverses données ont indiqué que le cidofovir pourrait inhiber la réplication d'autres virus, notamment celle des pox virus et des adénovirus.
Cependant, la faible biodisponibilité de la molécule lorsqu'elle est administrée par voie orale, ainsi que sa toxicité importante pour le foie et les reins, posait problème.
L'ensemble de ces considérations ont conduit diverses équipes à rechercher des dérivés du cidofovir possédant des propriétés antivirales similaires, mais administrables par voie orale et sans trop d'effets secondaires.
Un effet curatif et prophylactique.
Ces recherches ont abouti à l'identification de l'hexa-décyloxypropyl-cidofovir, ou CMX001. La molécule a été développée par un laboratoire spécialisé dans l'étude de la variole. L'objectif était de mettre au point un traitement préventif et curatif efficace, facile à administrer en cas d'attaque bioterroriste.
Le cidofovir inhibant la réplication des adénovirus et des poxvirus in vitro dans des cellules humaines en culture, et le CMX001 étant actif in vivo contre le virus de la variole, Wold et coll. ont imaginé que la nouvelle molécule avait toutes les chances d'agir contre les adénovirus. Les expériences conduites chez les hamsters syriens ont montré que tel est bien le cas. Administrée par gavage vespéral (2,5 mg/kg), la molécule a un effet non seulement curatif, mais aussi prophylactique. Le CMX001 pourrait donc non seulement être utilisé pour traiter les infections déclarées, mais aussi en prévention, chez les patients candidats à une greffe de moelle.
En outre, les données obtenues chez les hamsters suggèrent que le traitement est assez bien toléré, beaucoup mieux que le cidofovir. Le développement du CMX001 dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme devrait permettre d'en savoir rapidement plus sur ses effets dans l'organisme humain.
K. Toth et coll., « Proc Natl Acad Sci USA » du 20 mai 2008, vol. 105, pp. 7293-7297.
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