CONGRES HEBDO
Comme pour toute autre population, l'évaluation est une étape préalable indispensable à toute prise en charge de la douleur chronique chez le sujet âgé. Outre le contrôle de l'efficacité, elle est aussi un outil de communication entre le patient, les soignants, la famille. Différents obstacles rendent toutefois sa pratique difficile : l'absence de « culture » et de pratique des échelles classiquement utilisées, qu'il s'agisse de l'échelle visuelle analogique ou de la numérique ; la polypathologie douloureuse dont souffrent souvent ces patients et qui ont de ce fait du mal à faire la distinction entre leur lombalgie, leur cervicalgie...
Si l'évaluation de la douleur elle-même est importante, il est également essentiel chez le sujet âgé de la replacer dans son contexte afin d'en connaître le retentissement fonctionnel, psychologique et social. Des grilles multidimensionnelles sont ainsi utilisées prenant en compte des critères basiques, tels que la capacité de sortir, de faire ses courses, de monter un escalier, d'avoir une activité physique...
Comme l'évaluation, l'approche thérapeutique se doit de prendre en compte certaines particularités liées à l'âge. On retrouve là encore la polypathologie et la fragilité intrinsèque qu'elle induit, mais aussi la polymédication et l'iatrogénie. Avec le risque de prescriptions inadéquates, avec des doses soit trop élevées, source de mauvaise tolérance et, donc, de mauvaise observance ou, à l'inverse, de traiter a minima au vu du nombre important de médicaments déjà pris. Sans oublier, les modifications métaboliques et les insuffisances diverses qui imposent le respect des contre-indications, une instauration progressive des doses et une grande vigilance quant aux fonctions vitales.
Dans l'approche médicamenteuse, l'éducation du patient à son traitement est un élément préalable essentiel, en lui expliquant le mécanisme d'action du médicament, les effets indésirables potentiels et en lui apprenant à les repérer.
Pour tous les antalgiques, tous les paliers de l'OMS sont utilisables avec, toutefois, une préférence pour le palier I, le paracétamol offrant le meilleur rapport bénéfice/risque chez le sujet âgé sous condition toujours de doses adéquates. Pour le palier II, il convient d'être attentif aux problèmes de constipation et d'effets confusiogènes, voire à l'apparition de dépendance. Pour les opioïdes forts, donc le palier III, deux éléments principaux doivent être pris en compte : l'iatrogénie des associations susceptibles de potentialiser les effets indésirables, et la nécessité d'utiliser des doses adaptées à la physiologie du sujet âgé de façon à éviter notamment l'apparition rapide des effets indésirables.
Avec les inhibiteurs sélectifs de la COX-2, les AINS ont une vraie place chez les personnes âgées, tout en gardant présent le risque d'insuffisance rénale aiguë commun à cette classe et favorisée par l'hypovolémie, la prise de diurétiques... L'utilisation au long cours des inhibiteurs de la COX-2 est toutefois déconseillée au long cours et en première intention.
Les coanalgésiques, essentiellement les antidépresseurs et les anti-épileptiques, sont utilisés pour renforcer l'action des antalgiques ou dans les douleurs neuropathiques, en respectant toujours les mêmes principes d'évaluation du rapport bénéfice/risque et de doses moindres que chez l'adulte. Du fait de leur innocuité, les thérapeutiques non médicamenteuses méritent d'être proposées et essayées, d'autant qu'elles sont souvent appréciées du sujet âgé.
Il s'agit tout d'abord des techniques dites fonctionnelles : la kinésithérapie, intéressante notamment dans les atteintes dégénératives mais aussi par le contact qu'elle instaure avec un soignant ; les électrostimulations transcutanées désormais prises en charge à 65 % par la Sécurité sociale et qui ont l'avantage de pouvoir être pratiquées par le malade lui-même après un temps d'apprentissage, le rendant ainsi actif par rapport à sa douleur ; les orthèses (corset lombaire, collier cervical, semelles, cannes...) qui puisent leur effet antalgique dans la mise au repos de l'articulation. Cet abord fonctionnel doit s'accompagner de conseils d'entretien physique visant à encourager le maintien d'une activité (marche, vélo, natation).
Comme chez l'adulte ou l'enfant, les éléments psychologiques et sociaux interfèrent sur le vécu douloureux. Côté psychologique, il convient de vérifier la présence d'éventuels troubles du sommeil, d'éléments anxieux ou dépressifs qui majorent la perception douloureuse. La prise en charge est alors du ressort de tous les soignants en offrant une écoute attentive et en sachant déceler l'appel au secours derrière la plainte. Enfin, pouvant paraître a priori éloigné de la douleur elle-même, la prise en considération de l'aspect social peut avoir une action antalgique propre en agissant sur l'aide à domicile et l'encouragement à des activités.
Comme pour toutes les pathologies chroniques, la prise en charge pluridisciplinaire faisant travailler en équipe les différents soignants permet d'optimiser les résultats, non seulement sur la douleur elle-même, mais aussi sur la qualité de vie.
D'après un entretien avec le Dr Julien Nizard,centre de traitement de la douleur, CHU Nord, Nantes.
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