LE PEPTIDE bêta-amyloïde joue un rôle clé dans le développement de la maladie d'Alzheimer. Il est neurotoxique aussi bien dans sa forme soluble que dans sa version associée aux plaques.
Cette protéine est produite par le clivage en deux temps de l'APP (Amyloid Precursor Protein) transmembranaire. La première étape est réalisée par la bêta- secrétase, la seconde par la gamma-secrétase.
Le clivage de l'APP par la bêta-secrétase survient principalement dans les endosomes (sous-compartiments de la cellule qui permettent le tri des molécules internalisées). L'APP et la bêta- secrétase doivent être internalisées par endocytose pour être délivrées dans les endosomes. En revanche, le clivage de l'APP par l'alpha-secrétase, qui évite la production du peptide bêta-amyloïde toxique, survient au niveau de la membrane plasmatique.
Pas d'effet indésirable dangereux.
L'inhibition de la bêta-secrétase offre une approche thérapeutique prometteuse contre la maladie d'Alzheimer. Les études génétiques suggèrent que le blocage de son activité n'aurait pas d'effet indésirable dangereux. En effet, chez la souris, l'inactivation du gène codant pour la bêta-secrétase a supprimé la formation de bêta-amyloïde dans le cerveau sans entraîner d'effet néfaste apparent. Plusieurs inhibiteurs ont été développés pour bloquer le site actif de la bêta-secrétase, toutefois, beaucoup se sont montrés inefficaces dans les tests cellulaires. Le problème est que, jusqu'ici, la mise au point de ces inhibiteurs a négligé la localisation endosomale de la bêta-secrétase active.
Une équipe allemande vient de trouver le moyen de diriger l'inhibiteur vers le compartiment endosomal, donc là où l'enzyme est active. Le Pr Kai Simons et coll. (Max Planck Institute of Molecular Cell Biology and Genetics, Dresde) ont couplé un inhibiteur soluble de la bêta-secrétase à un stérol afin de synthétiser une version de l'inhibiteur capable de se fixer à la membrane. Leur raisonnement était le suivant : l'ancrage membranaire permettrait à l'inhibiteur d'être phagocyté et délivré dans les endosomes.
Les chercheurs ont démontré que l'inhibiteur est ainsi effectivement transporté dans les endosomes, où survient le clivage bêta. Il inhibe alors puissamment la bêta-secrétase, bien plus efficacement que l'inhibiteur soluble, tout au moins dans des cultures cellulaires. En liant l'inhibiteur à un stérol, les chercheurs ont dirigé l'inhibiteur non seulement vers les endosomes, mais aussi vers les domaines rafts de ces compartiments. Les domaines rafts sont des sites (cholestérol-sphingolipide) des membranes cellulaires où survient le clivage amyloïdogénique de l'APP. Ces domaines jouent également un rôle dans des voies biologiques clés, comme la réponse immune, et dans de nombreuses situations pathologiques.
Les chercheurs montrent que lorsque le stérol est substitué par un autre lipide (palmityl, myristyl et oleyl), à moindre affinité pour les membranes et les microdomaines rafts, l'inhibiteur ancré bloque moins bien la bêta-secrétase.
Enfin, l'inhibiteur lié au stérol se montre efficace in vivo. Sur le modèle drosophile de la maladie d'Alzheimer (mouche transgénique exprimant les trois gènes humains APP, bêta-secrétase et préséniline), le traitement par l'inhibiteur lié au stérol augmente la survie des insectes et en réduit la toxicité.
Réduit de 50 % la formation de bêta-amyloïde.
De plus, dans un modèle murin de maladie d'Alzheimer, l'injection dans l'hippocampe de l'inhibiteur a réduit de 50 % la formation de bêta-amyloïde dans le cerveau pendant 4 heures, tandis que l'inhibiteur soluble était inefficace.
«Ce travail représente une preuve en faveur d'une nouvelle approche thérapeutique fondée sur le développement d'inhibiteurs de la bêta-secrétase plus efficaces dans la maladie d'Alzheimer, concluent les chercheurs. Nous pensons que cette nouvelle stratégie peut également être utilisée pour envisager des thérapies contre d'autres cibles rafts dans diverses maladies», fait entrevoir dans un communiqué le Pr Kai Simons, cofondateur de la compagnie JADO, leader dans le domaine émergent des thérapies rafts.
La société JADO développe aussi des petites molécules ciblant les RAFTs afin de traiter les troubles allergiques et les maladies infectieuses.
Rajendran et coll., « Science », 25 avril 2008.
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