IL EXISTE, dès le plus jeune âge, une possibilité de mémorisation des événements désagréables qui peuvent entraîner des peurs phobiques dans l'enfance, mais aussi à l'âge adulte. Au cours des journées d'enseignement postuniversitaire organisées par le département d'anesthésie-réanimation de la Pitié-Salpêtrière, le Dr Pain (Chru Strasbourg) a fait le point sur les processus de mémorisation de l'enfant et leurs conséquences sur le vécu de l'anesthésie. La mémorisation fait appel à des processus d'acquisition, de stockage, puis de rappel de ces acquisitions. Cette dernière étape peut s'exprimer de façon explicite ( «je me souviens de l'expérience passée») ou implicite (rappel inconscient de l'expérience passée).
La maturation de l'hippocampe ne commence que vers 8-9 ans.
Le système limbique est au centre de ces processus ; l'amygdale permet la mémorisation inconsciente, automatique de l'information à connotation émotionnelle, alors que l'hippocampe est impliqué dans la formation de trace mnésique explicite. Or la maturation de l'hippocampe ne commence que vers 8-9 ans et n'est effective qu'à 25 ans. De plus, l'acquisition du langage sous toutes ses formes (dessin, verbalisation) est indispensable pour l'expression de la mémoire explicite. D'un point de vue théorique, la mémorisation implicite d'un stimulus douloureux pourrait modifier la réponse de l'organisme à une nouvelle expérience douloureuse sans que l'individu soit conscient des raisons de sa réaction comportementale. Voilà pourquoi un enfant en bas âge, qui est incapable de mémoriser de façon explicite les événements désagréables (au bloc opératoire), peut avoir des phobies ou des peurs irraisonnées lorsqu'il est soumis à un stimulus du même ordre. Ce comportement peut se prolonger à l'âge adulte chez des patients prédisposés. Les études sur les mémorisations de l'enfant au cours de l'anesthésie sont peu nombreuses. Toutefois, on a montré que des enfants de 3 à 5 ans conservent une mémorisation implicite d'images présentées au cours d'une sédation par du midazolam, produit utilisé pour ses propriétés amnésiantes et anxiolytiques. Ces résultats sont en faveur d'une approche différente, non pharmacologique, dont l'objectif est d'accompagner ces enfants au bloc opératoire en limitant l'impact négatif de ces stimulations désagréables ou douloureuses.
Match de foot au stade de France.
Dans ce contexte, une prise en charge utilisant l'hypnose a été présentée par le Dr Richard (hôpital Armand-Trousseau, Paris). Cette approche, qui privilégie la relation interhumaine entre le médecin anesthésiste et l'enfant, utilise la suggestion pour modifier le contenu de l'anesthésie en favorisant l'attention vers un point positif (match de football au stade de France, de tennis à Roland-Garros…) devenant prépondérant par rapport aux points négatifs. En immergeant par l'hypnose les enfants dans un monde virtuel, on espère limiter leur peur au bloc opératoire et atténuer son impact à long terme. Le Dr Richard a présenté plusieurs séquences vidéo pour illustrer la réalité et la faisabilité de cette prise en charge au bloc opératoire avant et pendant l'intervention chirurgicale.
D'après les conférences des Drs Pain et Richard au cours des 39es Journées d'enseignement postuniversitaire organisées par le département d'anesthésie- réanimation de la Pitié-Salpêtrière, au Cnit la Défense, Paris.
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