MêME POUR CEUX QUI parviennent à une rémission complète, l’expérience du cancer affecte profondément la trajectoire de vie des patients. Une réalité que prend en compte le plan Cancer lancé en 2002, qui prévoit un accompagnement des patients, non seulement lors du diagnostic et du traitement initial de la maladie, mais aussi à plus long terme. Afin de tenter de décrire les problèmes que rencontrent à terme les patients dans leur vie quotidienne, l’une des mesures du plan préconisait la réalisation d’une étude confiée à la Drees.
Réalisée avec le concours de l’Inserm (unité Epidémiologie et sciences sociales appliquées à l’innovation médicale), en partenariat avec les trois principaux régimes d’assurance-maladie (travailleurs salariés, régime agricole et professions indépendantes), l’étude s’est déroulée au dernier semestre 2004 auprès de patients qui ont bénéficié d’une prise en charge à 100 % au titre d’une affection de longue durée (ALD) pour un primo-diagnostic de pathologies cancéreuses en France en 2002 et vivant à leur domicile après deux ans.
Sein, prostate, sphère uro- génitale.
Les 4 270 patients interrogés ne sont pas «représentatifs de l’ensemble des patients cancéreux», précisent les auteurs de l’étude, en particulier parce qu’un nombre significatif d’entre eux décèdent dans les deux ans qui suivent le diagnostic.
Selon les résultats que publie la Drees*, le cancer du sein est le type le plus fréquent (30 %) chez les patients de l’enquête, devant le cancer de la prostate (21 %), les tumeurs uro-génitales (12 %) et les cancers du côlon (11 %). Les hémopathies malignes et les cancers du poumon ou des voies aéro-digestives concernent chacun 7 % des patients. Deux ans après le diagnostic, moins de la moitié des patients est en rémission complète, alors que, pour 9 % d’entre eux, la maladie est encore évolutive.
L’enquête confirme une observation formulée lors des états généraux organisés par la Ligue contre le cancer en 1998 et sur laquelle se fonde une des mesures importantes du plan Cancer : les conditions de l’annonce, perçue trop souvent comme un choc traumatique, devaient être améliorées. En 2002, pour 80 % des malades, l’annonce s’est déroulée en face-à-face avec un médecin, mais, pour 6 % d’entre eux, elle est intervenue lors d’un entretien téléphonique et pour 3 % par l’intermédiaire d’un courrier. «Surtout, insistent les auteurs, un patient sur quatre (25 %) a déclaré avoir ressenti cette annonce comme “trop brutale”.» Une proportion qui s’élève lorsque les patients n’ont pas bénéficié d’une annonce en face-à-face (41 % contre 23 %), chez les moins de 60 ans, les patients à bas revenus, les agriculteurs et les personnes n’ayant jamais travaillé. L’évaluation des consultations d’annonce qui ont été mises en place devra accorder plus d’attention, en particulier, aux patients des milieux défavorisés.
Organiser la présence des associations.
La majorité des patients estiment par ailleurs avoir bénéficié d’une information médicale suffisante, leur principale source provenant des médecins (87 %), loin devant les médias (7 %) et les associations de malades (3 %). «Cela donne la mesure du chemin qu’il reste à parcourir pour mieux reconnaître et organiser la présence des associations de patients au sein des structures de soins», notent les auteurs de l’étude. Cependant, un patient sur deux considère qu’il n’a pas été associé au choix de son traitement. Lorsqu’ils l’ont été, ils se déclarent massivement satisfaits de leur degré d’implication (77 %). Seulement 5 % le regrettent et auraient souhaité l’être moins. Les plus nombreux à déclarer avoir été associés au choix du traitement sont les patients atteints de cancer de la prostate, les 40-79 ans, les patients d’un niveau d’éducation supérieur et ceux des catégories socio-professionnelles élevées. «Les médecins ont-ils une tendance plus prononcée à moins recueillir le point de vue du malade lorsqu’ils sont confrontés à des patients jeunes, ou au contraire très âgés, ainsi qu’à des patients issus des milieux populaires?», interrogent les auteurs. Satisfaits de leur suivi médical (70 %), surtout lorsqu’il a été assuré par le même médecin, ce qui est le cas pour 85 % d’entre eux, les patients sont peu nombreux à avoir bénéficié d’un soutien psychologique alors qu’ils le désirent. Leur qualité de vie est dans l’ensemble très inférieure à celle de la population générale, surtout en ce qui concerne leur état physique et leur « vitalité ». Près des trois quarts disent conserver des séquelles. En revanche, leurs relations avec les autres semblent moins affectées par la maladie. L’expérience du cancer les conduit souvent à conseiller le dépistage à leurs proches, ce qui confirme bien la nécessité de les associer aux campagnes de prévention.
* « Etudes et résultats », n° 486, mai 2006.
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