CE N’EST PAS parce que les circuits neurologiques des foetus sont encore immatures, ni parce qu’ils n’ont pas acquis un niveau de conscience développé permettant une expression de la douleur, que la question de l’acceptabilité de l’IVG est résolue, souligne dans le « British Medical Journal », un auteur britannique (Stuart Derbyshire, de la School of Psychology, Edgbaston, Birmingham). Même si l’on considère que le foetus ne souffre pas, les questions d’ordre moral et légal posées par l’avortement demeurent entières.
Aux Etats-Unis, des instances gouvernementales sont en train de réfléchir à une loi sur l’avortement concernant les cas des foetus de plus de 22 semaines de gestation, mentionnant l’obligation de délivrer des antalgiques pour réduire la douleur ressentie par le foetus. Ainsi qu’une « information » aux mères sur les douleurs foetales. Cependant que, au Royaume Uni, des images provocantes d’échographie en couleur et en 3D sont diffusées pour suggérer que des foetus ont des réactions émotionnelles et cognitives.
Stuart Derbyshire recense différents arguments neurobiologiques pour essayer de répondre à la question : le foetus ressent-il la douleur ?
Développements neurobiologiques importants.
Au cours des 7e, 18e et 22e semaines de gestation, des développements neurobiologiques importants ont lieu, rappelle-t-il. Mais ils ne nous disent pas pour autant que le foetus éprouve l’expérience de la douleur.
Pour ressentir une douleur, nous indique cet analyste, il faut que l’esprit de la personne ait subi une maturation, au même titre que ses centres nerveux et cérébraux. Ce qui ne s’est pas encore produit au stade foetal. Une vie terrestre, extra-utérine, est nécessaire à l’évolution de la subjectivité, grâce, en particulier, à l’activité terrestre du bébé, motrice et émotionnelle, et à l’interaction avec les personnes pourvoyeuses des premiers soins.
«Sans la conscience, il peut y avoir nociception, mais il ne peut y avoir douleur», écrit l’auteur. Pour que la fonction de la conscience se développe, un environnement propice, psychologique et sensoriel est nécessaire.
A l’heure actuelle, les propositions d’information des femmes désirant avorter sur le potentiel de souffrance de leur foetus n’ont pas de substratum biologique. Et nous n’avons pas suffisamment d’arguments pour faire légaliser des interventions antalgiques chez des foetus. Infondées au plan théorique autant qu’au plan pratique, de telles interventions, en l’état actuel des connaissances, «risquent d’exposer les femmes à des interventions inappropriées, à des risques et à des stress dont on ne maîtrise pas la portée et dont l’intérêt n’est pas établi».
Risques chez ces patientes.
On a proposé de donner du fentanyl ou des benzodiazépines à des femmes avant une IVG. Mais ne risque-t-on pas d’entraîner d’autres types de risque chez ces patientes en l’absence d’arguments d’utilité autour de telles pratiques ?
En résumé pour Stuart Derbyshire, les circuits de la douleur chez les foetus sont encore immatures. Et «l’expérience subjective de la douleur ne peut être inférée du développement anatomique, car ces développements ne concernent pas les contenus de subjectivité et la participation de la conscience au phénomène de la douleur». La question n’est pas uniquement philosophique.
« British Medical Journal », 15 avril 2006, 909-912.
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