Par le Pr VICTOR DE LEDINGHEN*
EN 2007, dans la prise en charge initiale d'une hépatite virale C sans comorbidité, la Haute Autorité de santé a recommandé soit la ponction-biopsie hépatique, soit le FibroTest, soit le FibroScan. À la fin 2008, ces recommandations vont être actualisées afin d'élargir le nombre de marqueurs sériques pouvant être utilisés et les indications des méthodes non invasives d'évaluation de la fibrose hépatique. Il reste cependant un écueil majeur à leur utilisation en pratique courante : leur inscription à la nomenclature permettant leur remboursement.
Des règles de prudence pour les marqueurs sériques.
De nombreux marqueurs sériques ont montré leur bonne performance pour le diagnostic de la fibrose significative et de la cirrhose, notamment le FibroTest et le FibroMètre. Cependant, quelle que soit l'indication, ces tests ne doivent pas être utilisés lorsque l'un des paramètres du test est modifié par un état physiologique ou pathologique non lié à la pathologie hépatique. Ainsi, par exemple, en cas d'hémolyse importante, il ne faut pas utiliser un test qui comprend la bilirubine totale ou l'haptoglobine. En cas de syndrome inflammatoire aigu ou de sepsis, il ne faut pas utiliser un test qui comprend l'a2 macroglobuline ou le taux de plaquettes. En effet, dans ces conditions, ces paramètres utilisés pour calculer le test sont perturbés et vont donc modifier le résultat.
Il est donc primordial d'utiliser ces tests en connaissant les risques de faux positifs et de faux négatifs. Il faut donc réaliser un test non invasif de diagnostic de la fibrose hépatique aux malades en condition stable et regarder chaque valeur avant de conclure et d'interpréter le test. Pour le FibroTest et le FibroMètre, des algorithmes de sécurité identifient automatiquement les profils à haut risque de faux positifs-faux négatifs et les cliniciens doivent tenir compte de ces avertissements, quitte à interroger le fabricant en cas de doute. Il est préférable de refaire un test en cas de comorbidité transitoire ou de discordance clinico-biologique.
En pratique, l'interprétation des marqueurs sériques de fibrose ne doit pas être faite selon le score Metavir, mais en indiquant la valeur du FibroTest ou du FibroMètre. En revanche, le clinicien peut s'aider du tableau de concordance entre le résultat du test et l'estimation du score Metavir (tableau 1).
Marqueurs de fibrose et hépatopathies chroniques. Pour le diagnostic de fibrose significative et de cirrhose au cours de l'hépatite C, ce sont le FibroTest et le FibroMètre qui sont les tests sanguins les plus performants. Au cours des autres hépatopathies chroniques, ces tests pourraient aussi être utiles, même si d'autres études sont encore nécessaires (figure 1).
Combinaison des marqueurs sériques. L'intérêt de ces tests réside surtout dans l'élimination d'une fibrose significative et dans le diagnostic de la cirrhose. Pour un diagnostic précis de fibrose modérée ou de fibrose sévère, il faut rester prudent dans leur interprétation et peut-être associer deux tests, même si, à ce jour, il n'y a que peu de publications qui rapportent l'intérêt d'associer plusieurs marqueurs sériques. Cependant, c'est une approche qui mérite d'être étudiée si elle permet de limiter les faux positifs et les faux négatifs.
Mesure directe de l'élasticité du tissu hépatique par FibroScan.
Le FibroScan, ou élastométrie impulsionnelle, est une technique qui mesure l'élasticité des tissus. Le résultat final est la médiane de 10 mesures. Les valeurs obtenues sont comprises entre 2 et 75 kPa. L'appareil affiche aussi l' interquartile range (IQR), le taux de réussite (nombre de mesures obtenues par rapport au nombre de tirs effectués).
La valeur moyenne d'élasticité hépatique chez les sujets « normaux » est de 5,5 ± 1,6 kPa, influencée par le sexe et le syndrome métabolique (facteurs qui sont associés à une élévation de l'élasticité hépatique).
Pas de FibroScan lors des hépatites aiguës. Les valeurs d'élasticité hépatique sont plus élevées au cours des hépatites aiguës et corrélées au taux sérique des transaminases. Cependant, l'interprétation des valeurs d'élasticité au cours des hépatites aiguës ainsi que leur intérêt pronostique n'est pas encore connu. Ainsi, à ce jour, il n'est pas utile d'effectuer une mesure d'élasticité hépatique au cours d'une hépatite aiguë.
FibroScan et cirrhose. C'est certainement pour le diagnostic de la cirrhose que le FibroScan a le plus grand intérêt, car sa performance est excellente, quelle que soit l'étiologie de la maladie hépatique. Cependant, pour le diagnostic de la fibrose significative, sa performance est voisine, voire supérieure, à celle des marqueurs sériques. Pour le diagnostic de fibrose significative et de cirrhose au cours de l'hépatite C et de la coïnfection virale VIH-VHC, le FibroScan peut être utilisé. Au cours des autres hépatopathies chroniques, le FibroScan est aussi utile, même si d'autres études sont encore nécessaires.
Au cours de la cirrhose, les valeurs d'élasticité hépatique varient de 13-15 kPa à 75 kPa. C'est certainement dans l'évaluation de l'hypertension portale au cours de la cirrhose que le FibroScan a montré son plus grand intérêt. L'élasticité hépatique est corrélée à la présence des varices oesophagiennes et au gradient porto-hépatique. Cependant, il est encore trop tôt pour conclure qu'il n'est plus nécessaire de faire de fibroscopie digestive haute à la recherche de varices oesophagiennes chez les malades qui ont une valeur d'élasticité hépatique inférieure à 19-21 kPa.
FibroScan en pratique clinique. Il est primordial de raisonner sur un examen qui comprend 10 mesures valides et un IQR de moins de 30 % de la valeur médiane finale (moins de 20 % étant l'idéal). Les résultats de mesure doivent toujours être interprétés par un médecin expert en élasticité hépatique selon les contextes clinique et paraclinique.
Il faut connaître la pathologie ayant motivée la réalisation de l'examen. En effet, les valeurs seuils de chaque stade de fibrose varient selon la pathologie et l'élasticité hépatique n'est probablement pas la même selon la pathologie.
Enfin, l'interprétation de la valeur d'élasticité doit dépendre de ce que le médecin souhaite privilégier : est-ce la spécificité ? La sensibilité ? La valeur prédictive positive ?
Ainsi, il ne semble pas raisonnable d'interpréter la valeur de FibroScan en fonction d'un seuil, mais plus logiquement en fonction d'une « zone » probable de corrélation entre la fibrose hépatique et la valeur de FibroScan (plutôt qu'avec une valeur seuil précise) et ces zones doivent varier en fonction des pathologies (figures 2a et 2b).
Combinaison d'un marqueur sérique et du FibroScan.
La combinaison d'un marqueur sérique et du FibroScan permettrait d'améliorer la performance diagnostique de l'un et de l'autre examen. Lorsque les deux examens sont concordants, la corrélation avec le score de fibrose est meilleure qu'en utilisant un seul test. Pour les cas discordants, l'évaluation peut être répétée quelques semaines ou mois plus tard et la ponction-biopsie hépatique ne peut être effectuée qu'en cas de nouvelle discordance. D'autres études sont encore nécessaires pour confirmer ces résultats et proposer une conduite à tenir pragmatique.
En conclusion, les marqueurs sériques et le FibroScan font maintenant partie intégrante de toute prise en charge de malade suivi en hépatologie. Cependant, ce sont des examens qui doivent respecter certaines règles d'utilisation et d'interprétation pour éviter tout diagnostic erroné. La place des marqueurs sériques et du FibroScan dans le dépistage des maladies hépatiques chroniques chez les sujets à risque (consommateurs excessifs d'alcool, diabétiques, utilisateurs de drogues…) est à évaluer, mais sera certainement majeure dans les années à venir.
* Centre d'investigation de la fibrose hépatique, service d'hépato-gastro-entérologie, hôpital Haut-Lévêque, Pessac.
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