ON SE GARDERAIT de qualifier de surréaliste le procès qui vient d'aboutir, les parties en cause ayant chacune de solides arguments. Sans en détailler les innombrables péripéties, rappelons-en seulement les prémices. Antonin Artaud avait signé en 1946, deux ans avant sa mort, un contrat avec Gallimard pour la publication de ses « Œuvres complètes » en quatre volumes. Après sa disparition, c'est Paule Thévenin, une amie proche, qui s'était attelée à la tâche et avait fait paraître le premier volume du tome I en 1956. Le problème est qu'elle avait accompli ce travail sans mandat officiel et qu'elle avait recomposé à sa façon les volumes selon ce qu'elle pensait être le désir d'Artaud, mêlant textes publiés et extraits inédits des Cahiers. Ce qui n'a pas été du goût de Serge Malausséna, héritier et titulaire du droit moral sur l'œuvre avec sa sœur Ghislaine aujourd'hui décédée si bien qu'en 1991 il s'est opposé à la divulgation des Cahiers : la publication des Œuvres complètes s'est arrêtée, en 1994, au tome XXVI sur les XXXI prévus.
« Selon moi, confie-t-il aujourd'hui, ces Cahiers n'avaient rien à voir avec la pensée d'Artaud. Je voulais qu'Artaud apparaisse dans sa vérité, dans sa complexité, tel qu'il l'aurait voulu. » Et d'ajouter : « Le "Quarto" est magnifique qui met Artaud à la portée de tout le monde. »
Etabli par Evelyne Grossman, « Artaud/Œuvres » (1) présente donc les grands textes de l'écrivain depuis ses premiers écrits de jeunesse jusqu'aux derniers textes de 1948, dans un ordre chronologique et pas thématique « afin d'en montrer à la fois la logique profonde mais aussi la constante diversité ». Un choix chronologique « qui fait mieux percevoir la multiplicité simultanée » des champs d'intérêt d'Artaud, précise-t-elle dans la préface, en soulignant qu' « il menait de front un nombre impressionnant d'activités, avec une avidité et une force vitale étonnantes en dépit de ses angoisses et de la souffrance ». Antonin Artaud a passé au total neuf années dans divers asiles d'aliénés, comme l'hôpital de Rodez, à une époque où les conditions de vie y étaient particulièrement dures.
On trouve aussi dans le « Quarto » un large choix d'articles, de scénarios et de textes divers dont plusieurs introuvables ou inédits, plus de deux cents lettres, dont, là encore, des inédits, une abondante iconographie, des reproductions de dessins d'Artaud, etc.
Gallimard publie par ailleurs « Antonin Artaud, cinquante dessins pour assassiner la magie » (2), un texte inédit extrait d'un de ses derniers Cahiers, et qu'il souhaitait voir illustré de cinquante de ses dessins, qui faisaient selon lui partie intégrante de son œuvre.
(1) Antonin Artaud, « Œuvres », « Quarto », Gallimard, 1 792 p., 290 documents, 35 euros.
(2) Antonin Artaud, « Cinquante Dessins pour assassiner la magie », Gallimard, « la Blanche », hors série, 96 p., 30 euros.
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