Manipulations thérapeutiques du HDL cholestérol
« On n'a jamais pu démontrer qu'augmenter sélectivement le HDL-C protège spécifiquement du point de vue cardio-vasculaire », prévient d'emblée le Pr Philippe Moulin*. Si des données animales expérimentales et épidémiologiques, ainsi que les analyses subtiles des essais d'intervention par certains fibrates sont en faveur de ce postulat, les données issues des modèles génétiques de déficit en HDL sont loin d'être totalement cohérentes. A l'heure actuelle, les mécanismes de l'effet protecteur cardio-vasculaire du HDL restent incomplètement compris. En ce qui concerne les fibrates, la communauté médicale attend avec impatience les résultats de l'étude Field (Fenofibrate Intervention and Event Lowering in Diabetes), annoncés pour l'année prochaine. Ce vaste essai fournira, entre autres, des informations précieuses sur l'impact de la correction de l'hypoHDLémie sous fibrate, dans un contexte où les études concernant leurs bénéfices cardio-vasculaires sont divergentes selon les molécules, souligne le Pr Moulin.
Trois nouveaux types de molécules font l'actualité dans le cadre des manipulations thérapeutiques du HDL-C : les inhibiteurs de la protéine de transfert des esters de cholestérol (Cetp : Cholesteryl Ester Transfer Protein), l'apoliprotéine A1 Milano et les peptides ApoA1 mimétiques. Ils se situent à des degrés de développement très différents.
Les Inhibiteurs de la Cetp.Des travaux précliniques ont montré que les inhibiteurs de la Cetp, administrés par voie orale (JTT-705, torcetrapib), augmentent de façon significative le taux de HDL-C (1). Mais, contrairement aux statines, où le risque cardio-vascualire est diminué lors des hypobêtalipoprotéinémies, le modèle de génétique clinique correspondant, à savoir le déficit en Cetp, n'est pas très clair, explique le Pr Moulin. On a, en effet, observé que les patients qui présentent une mutation du gène de la Cetp ont, certes, un taux sanguin de HDL-C deux ou trois fois plus élevé que la normale, mais ce profil ne leur confère pas une protection bien convaincante vis-à-vis de l'athérosclérose, et le polymorphisme fréquent taq1B qui s'associe à une augmentation modérée du HDL-C ne correspond pas systématiquement à un moindre risque cardio-vasculaire. Ainsi, alors que les essais de phase II des inhibiteurs de la Cetp mettent en évidence une forte augmentation du HDL-C, « la question du bénéfice cardio-vasculaire potentiel de ce type d'intervention reste posée, car il existe une incohérence avec certaines données cliniques ». Ces molécules sont actuellement en essai de phase III.
Une étude, publiée l'année dernière sur l'ApoA1 Milano, a suscité une grande attention (2). Cet essai randomisé en double aveugle contre placebo est « extraordinaire dans tous les sens du terme, au propre comme au figuré », indique le Pr Moulin. Il montre que la perfusion d'ApoA1 Milano recombinante en postsyndrome coronarien aigu entraîne une régression statistiquement significative des paramètres décrivant les plaques. Au terme de cinq semaines de traitement, ces résultats ont été objectivés par une seconde coronarographie avec mesure des plaques par écho endocoronaire. « Si l'on va jusqu'au bout de la logique, on pourrait disposer là d'un traitement médical d'urgence non invasif capable de stabiliser les plaques sans recourir à une intervention coronaire », se réjouit le Pr Moulin. De nouveaux essais sont toutefois nécessaires pour vérifier ces données certes troublantes, mais seulement préliminaires.
Enfin, les peptides ApoA1 mimétiques ont été l'objet de publications et de communications récentes. L'objectif de ces peptides, dont le principal est le D-4F, est de déstabiliser les HDL et de libérer l'ApoA1 qui serait ainsi disponible pour épurer le cholestérol en périphérie. D'après les premiers travaux expérimentaux, ces molécules, administrables par voie orale pour certaines, auraient un effet antiathérogène. Mais on en est encore au stade des recherches chez la souris et la guenon, et les études humaines ne sont pas pour demain.
* D'après un entretien avec le Pr Philippe Moulin, hôpital cardio-vasculaire et pneumologique Louis-Pradel, Lyon-Bron.
(1) Le point dans : Van der Steeg W. et coll. ; Role of Cetp inhibitors in the treatment of dyslipidemia.« Curr Opin Lipidol» 2004 ; 15 (6) : 631-636.
(2) Nissen S.E. et coll. Effect of recombinant ApoA1 milano on coronary atherosclerosis in patients with acute coronary syndromes : a randomized controlled trial ; « Jama » 2003 ; 290 (17) : 2292-2300.
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