Le diabète de type 2 est secondaire à une insulinorésistance à la fois hépatique et musculaire. L'insulinorésistance hépatique entraîne une augmentation de la production hépatique de glucose et l'insulinorésistance musculaire diminue la captation du glucose intracellulaire, ce qui dans les deux cas élève la glycémie. La principale anomalie qui conduit à l'insulinorésistance est une accumulation d'acides gras dans les tissus, soit par excès d'apports alimentaires, soit par anomalie du métabolisme mitochondrial.
CHEZ LES futurs patients diabétiques de type 2 le meilleur facteur prédictif du diabète est l'insulinorésistance. On observe chez ce type de patients, avant même l'apparition du diabète, une diminution du transport du glucose intracellulaire et une moindre synthèse de glucogène dans le foie et le muscle. Le contenu intramusculaire en lipides est lui même le meilleur prédicteur de l'insulinorésistance, y compris chez l'enfant.
En présence d'une élévation du taux d'acides gras libres, on observe une diminution de 40 % de la synthèse de glucogène intramusculaire. Ces acides gras libres agiraient directement sur le récepteur GLUT 4, diminuant l'entrée du glucose intracellulaire. Ils interfèrent aussi avec la cascade des évènements intracellulaires induits par l'insuline, alors que toutes les cytokines potentiellement impliquées dans l'insulinorésistance, comme le TNF alpha, la résistine, la leptine ou l'adiponectine, ne sont pas modifiées.
Les modèles animaux.
Sur des modèles animaux transgéniques surexprimant le gène de la lipoprotéine lipase musculaire, on observe une concentration intramusculaire des triglycérides élevée avec, parallèlement, une augmentation de l'insulinorésistance, une diminution du transport du glucose intracellulaire et une diminution de la synthèse du glycogène musculaire.
Chez des animaux transgéniques ayant une surexpression du gène de la LPL au niveau du foie, on observe le même phénomène avec accumulation de triglycérides et augmentation de la production hépatique de glucose de plus de 90 %.
Donc, lorsque l'on augmente le contenu en lipides d'un organe, muscle ou foie, on augmente l'insulinorésistance au niveau de cet organe. A contrario, dans un autre modèle d'animaux transgéniques où on bloque l'entrée des lipides dans les tissus, on n'observe pas d'insulinorésistance.
Chez les souris « fatless » dépourvues de tissu adipeux, mais avec une concentration musculaire et hépatique d'acides gras importante, l'insulinorésistance majeure observée est normalisée par la transplantation de tissu adipeux. En l'absence de tissu adipeux, les acides gras s'accumulent dans le muscle et le foie.
C'est un peu le même phénomène que l'on observe dans les syndromes lipodystrophiques majeurs. Les sujets sont dépourvus de tissu adipeux, ont une insulinorésistance majeure avec une élévation très importante des triglycérides et une stéatose hépatique.
Dans ce syndrome lié à une déficience en leptine, la composition corporelle en graisses des personnes atteintes est très faible, de l'ordre de 7 %, contre 21 % pour des témoins, avec des taux de leptine effondrés, une glycémie à jeun et une insulinémie très élevées. L'insulinorésistance siège à la fois au niveau du foie et du muscle.
Le traitement par leptine permet de restaurer la glycémie, de diminuer la concentration en acides gras libres du foie et du muscle, de réduire la production de glucose hépatique, d'augmenter la captation de glucose intramusculaire, ainsi que la synthèse de glycogène.
Chez ces sujets, le métabolisme de base ne change pas après injection de leptine, mais les prises alimentaires diminuent de manière considérable pour passer de 4 000 à 1 500 calories par jour. Il semble donc qu'il y ait un lien direct entre la prise alimentaire, notamment lipidique, et l'apparition d'une augmentation des acides gras libres et donc leur accumulation intramyocytaire et intrahépatique, puis le développement de l'insulinorésistance à la fois musculaire et hépatique.
Vieillissement et activité mitochondriale.
On observe une insulinorésistance au cours du vieillissement avec une diminution de la captation du glucose intramuscualire, une augmentation des triglycérides intramyocytaires et hépatiques. Cette accumulation d'acide gras dans les tissus est-elle liée à une augmentation de leur apport ou à une baisse de leur catabolisme ? Pour le savoir, des techniques de microdialyse ont été appliquées dans l'adipocyte. Au niveau de l'adipocyte, la libération d'acides gras par les adipocytes n'est pas différente au cours du vieillissement, mais les expériences montrent une diminution de 40 % de l'activité mitochondriale dans le foie et le muscle. Les acides gras sont donc moins oxydés et s'accumulent dans les tissus, ce qui explique l'insulinorésistance.
Ce phénomène est aussi présent chez les sujets jeunes avec des antécédents familiaux de diabète de type 2 (risque de développer un diabète de près de 40 %) avec une diminution de 30 % de l'activité oxydative des mitochondries et une diminution de 38 % de la densité des mitochondries.
Ceci est peut-être à mettre en rapport avec les expériences récentes de restriction calorique chez l'homme qui mettaient en évidence une augmentation du nombre de mitochondries dans les cellules musculaires (publication de Civitarese, mars 2007). Cette action sur les mitochondries pourrait expliquer une moindre insulinorésistance et donc une meilleure survie chez les sujets en restriction calorique et, a contrario, l'insulinorésistance majeure développée lors des prises alimentaires très importantes, comme dans les cas de syndrome lipoatrophique.
Lorsque l'on analyse les effets de la perte de poids chez les diabétiques de type 2, on observe une diminution de la glycémie parallèle à celle de l'IMC, alors que le contenu intramyocytaire des lipides reste identique. Les bénéfices de la perte de poids concernent le foie avec une diminution très nette du contenu intrahépatique en lipides. L'amaigrissement diminue la stéatose hépatique et la production de glucose et donc permet de diminuer la glycémie, notamment à jeun.
L'insulinorésistance est donc liée en bonne partie à l'accumulation de lipides dans le foie et dans le muscle. Celle-ci peut être due à un apport alimentaire trop important, entraînant une augmentation des substrats qui s'accumulent ensuite dans les tissus et conduisent à l'insulinorésistance. Elle peut être acquise avec le vieillissement ou héritée (antécédents d'insulinorésistance et de diabète), il s'agit alors, non plus d'un apport excessif d'acides gras, mais d'anomalies du métabolisme des mitochondries. L'insulinorésistance est donc une maladie des lipides provoquée soit par des apports caloriques excessifs, soit par des déficits mitochondriaux.
Communication de Gérald Shulman (New Haven, Etats-Unis).
Glucotoxicité et risque cardio-vasculaire : ce que montrent les études
L'hyperglycémie est néfaste pour la circulation sanguine et plus particulièrement pour les microvaisseaux. En effet, elle accroît les résistances précapillaires, active le système rénine-angiotensine local, augmente l'adhésivité des plaquettes, altère la fibrinolyse et perturbe l'hémorhéologie. Il ne s'agit là, en fait, que d'une partie des multiples troubles engendrés par la « glucotoxicité » et qui aboutissent au développement de l'angiopathie diabétique.
En son temps, l'étude de Framingham avait déjà révélé la corrélation existant entre le niveau de la glycémie et le risque cardiovasculaire dans la population générale. Elle avait notamment montré que la probabilité de survenue d'événements cardio-vasculaires est 2 à 5 fois plus élevée chez le diabétique.
Plus récemment, l'étude DESIR (données épidémiologiques sur le syndrome d'insulinorésistance) (1) a montré qu'il existe un lien puissant entre l'hyperglycémie et les facteurs de risque cardio-vasculaire classiques. En d'autres termes, si l'on classe les individus issus de la population française en fonction de leur glycémie, on constate que tous les facteurs de risque cardio-vasculaire (poids corporel, tour de taille, pression artérielle, cholestérolémie, etc.) augmentent de façon linéaire avec l'élévation de la glycémie.
L'étude multicentrique STOP-NIDDM (2), menée au Canada et en Europe en vue de comparer l'acarbose à un placebo dans la prévention du développement d'un diabète de type II, est à ce jour le seul essai thérapeutique à avoir démontré que le fait d'abaisser la glycémie chez un individu présentant une tolérance au glucose altérée contribue à diminuer le risque cardio-vasculaire encouru par ce dernier.
L'étude qui apporte la preuve la plus convaincante de la responsabilité de l'hyperglycémie dans le risque cardio-vasculaire est EDIC (Epidemiology of Diabetes Interventions and Complications) (3), qui est le prolongement de l'étude DCCT (Diabetes Control and Complication Trial). Elle a, en effet, établi que, chez le diabétique de type I, l'instauration d'un traitement intensif permet non seulement de diminuer l'incidence des complications microvasculaires, mais aussi d'abaisser le risque d'événement cardio-vasculaire. L'étude a, par ailleurs montré qu'il existe un effet de « mémoire », car, même si les taux d'HbA1c du groupe de traitement intensif étaient moins bien contrôlés dans EDIC (8,5 %) que dans le DCCT (7 %), la différence n'en a pas moins été significative par rapport au groupe de traitement classique, dans lequel les taux d'HbA1c ont été moins bien contrôlés dans l'une et l'autre études.
(1) Balkau B, Vernay M, Mhamdi L et coll. « Diabetes Metab », 2003 ; 29 : 526-532.
(2) Chiasson J-L, Josse RG, Hanefeld M et coll. « Lancet » 2002 ; 359 : 2072-2077.
(3) Nathan DM, Cleary PA, Backlund JY et coll. « N Engl J Med » 2005 ; 353(25) : 2643-2653.
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