IL Y AURAIT donc un vote sanction, propre à exprimer le mécontentement de la population sur la façon dont le président Nicolas Sarkozy dirige le pays. Le chef de l'Etat a d'ailleurs contribué, ces derniers temps, à la désaffection d'une partie de la majorité qui l'a hissé au pouvoir : il a d'abord déclaré que les municipales n'étaient pas des élections nationales, puis il a semblé changer d'avis. Première erreur. Ensuite, il s'est entêté sur certaines mesures, notamment la loi de rétention de sécurité que le Conseil constitutionnel a censurée partiellement. En saisissant le président de la Cour de la cassation, M. Sarkozy a paru passer outre la décision de notre cour suprême. Pourquoi cet entêtement, sinon parce que le président cherche par tous les moyens à garder dans la majorité ces électeurs du Front national qui l'ont choisi le 6 mai dernier ? Son volontarisme s'est retourné contre lui. Rien ne l'autorise à jouer avec les institutions. Deuxième erreur.
Ce qui a porté le coup de grâce à la droite, c'est le mini-scandale de Neuilly, place forte naturelle de M. Sarkozy, où il s'est fait, en quelque sorte, remplacer par le porte-parole de l'Elysée, David Martinon, avec Jean Sarkozy, le fils, sur la liste. M. Martinon semblait en perdition, de sorte qu'il a été contraint, par la famille Sarkozy, de démissionner. Le candidat de droite sans étiquette s'est maintenu et c'est lui qui l'emportera le 16 mars au plus tard. Troisième erreur de M. Sarkozy, à qui même ses anciens administrés de Neuilly ont reproché de se croire en terrain conquis dans leur bonne ville.
Les grandes villes à gauche ?
Les meilleurs pronostiqueurs nuancent quand même leurs prévisions en soulignant qu'il y a deux tours et que le vote sanction peut être amendé au second : le caractère local du scrutin l'emporterait sur la mauvaise humeur nationale. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé aux législatives de 2007 : la gauche a amélioré son score au second tour.
Mais ce n'est pas ce que disent les sondages : il est à peu près certain que la gauche va l'emporter à Paris, à Lyon et à Lille. A Marseille, le maire, Jean-Claude Gaudin, n'est pas assuré du tout d'obtenir un nouveau mandat. A Strasbourg, Fabienne Keller est clairement en difficulté. C'est à Bordeaux que, avec Alain Juppé, la droite résiste le mieux. A Toulouse, la gauche est donnée gagnante. A Paris, Françoise de Panafieu, qui a mené un combat presque perdu d'avance, avec beaucoup de constance et de courage, aurait un retard de 15 points sur Bertrand Delanoë. Le principal argument de campagne de Mme de Panafieu, c'étaient les intentions « secrètes » de son adversaire, qui pourrait se présenter en 2012 à la présidentielle, donc avant la fin de son mandat de maire. Visiblement, l'argument n'a pas porté.
Compte tenu d'un climat politique que M. Sarkozy a beaucoup aggravé depuis le début de l'année en soulevant d'incessantes polémiques, on peut se demander si la défaite de la droite ne va pas être plus grave que celle qui est annoncée. On devine que les élus municipaux de l'UMP, qui se sont élevés contre un certain nombre de décisions du gouvernement, puis ont préféré ne pas être soutenus par Nicolas Sarkozy, attendent maintenant les résultats avec fatalisme.
La gauche va trouver dans son probable succès un regain de vigueur, ce qui ne lui a pas permis, jusqu'à présent, de s'unir autour d'un programme qu'on attend en vain. Le MoDem de François Bayrou a conclu ici et là diverses alliances qui ne traduisent pas des choix clairs. M. Bayrou a décidé de se porter candidat à Pau, avec l'objectif de faire de la municipale paloise un test de sa popularité et de ses idées. Les sondages lui sont d'autant moins favorables que plusieurs listes sont en compétition ; on n'y verra pas clair avant le deuxième tour. Dans cette affaire, l'ex-candidat à la présidence aura été identique à lui-même : une attitude hautement morale mais une stratégie qui le conduira une fois encore à un échec probable. A quoi bon attaquer des moulins, en toute occasion, même la moins favorable ?
Une descente rapide.
La campagne des municipales aura montré que, avec Nicolas Sarkozy, l'usure du pouvoir est plus rapide qu'avec les présidents précédents. Sa cote de popularité, tombée aux environs de 33 %, témoigne du désenchantement des Français, auxquels il a manifestement promis plus qu'il ne pouvait tenir. Il ne faudra pas cependant tirer de la déroute de la droite aux municipales un enseignement pour le plus long terme. La gauche avait gagné toutes les élections qui ont précédé celles de 2007. Jusqu'à la fin de 2006, avec la décomposition du chiraquisme, on attendait une relève qui semblait aussi naturelle que nécessaire. M. Sarkozy, dès janvier, a chamboulé les pronostics et a fait la course en tête jusqu'aux scrutins.
S'il fait confiance à son intelligence de tacticien, qui est grande, il peut reconstituer les chances de la droite, notamment à la faveur du remaniement ministériel qu'il prépare. Mais il doit reconnaître que les membres de son gouvernement ne sont pas en cause. C'est lui, Sarkozy, qui est contesté, à tel point qu'il a réussi une performance sans précédent : son Premier ministre est nettement plus populaire que lui (55 %). Le remaniement ne doit être que l'occasion de consolider le programme de réformes qui n'est nullement contesté par l'opinion. Et, pour le président, d'adopter un comportement personnel plus discret.
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