L'UNION DES ORGANISATIONS islamiques de France (Uoif) avait pourtant encouragé les jeunes musulmanes à contrevenir à la loi. Entre-temps, l'affaire des otages français en Irak a bouleversé la situation. Les musulmans de France ont condamné comme un seul homme le chantage de l'« Armée islamique en Irak » qui soumettait la libération des deux journalistes français à l'abrogation de la loi par la France.
C'est aux musulmans de France que les intégristes d'Irak ont failli porter le coup le plus sévère. L'idée que le débat démocratique sur la laïcité puisse être confisqué de cette manière au profit du terrorisme faisait peser un danger sur les Français musulmans : le dialogue entre eux et le reste de la société, jusqu'alors strictement démocratique, était soudainement empoisonné par une violence importée.
La communauté musulmane de France a donc réagi avec force contre les prétentions des terroristes, à la fois pour éviter un fâcheux amalgame qui risquait d'aggraver l'intolérance dans l'Hexagone et par pure conviction : le débat sur le voile ne doit pas être perverti par des hommes sans scrupules et parfaitement étrangers au fonctionnement de notre société.
LA CRISE DES OTAGES A CONVAINCU LES FRANÇAIS MUSULMANS D'ADOPTER LA LAICITÉ
Unanimité.
Cette unanimité dans le rejet de l'ultimatum terroriste a aidé le gouvernement français à démontrer partout dans le monde arabe que les Français musulmans ne se considèrent nullement comme un groupe maltraité et que le chantage intégriste était fondé sur une méconnaissance de la situation de notre pays. C'est de cette manière que le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, a pu trouver au Proche-Orient les relais nécessaires à la libération espérée des deux journalistes.
La communauté musulmane française, qui a envoyé une délégation à Bagdad, a donc joué dans cette tragédie un rôle positif. De telle sorte qu'elle a renversé le sens de la crise ouverte par les terroristes : plutôt qu'à une tension des relations, on a assisté à un rapprochement entre les autorités et les Français musulmans. Dans un entretien avec « le Parisien », Bernard Stasi, qui avait dirigé l'aréopage chargé de préparer la loi sur les signes religieux à l'école, a rappelé sa proposition d'accorder un jour de congé aux musulmans et aux juifs pour leur fête religieuse. L'idée a été approuvée par Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris.
Une trêve sur le voile.
La forte unité nationale qui a suivi le chantage a certes été utile au gouvernement, ainsi qu'aux musulmans, dans la mesure où elle a très vite écarté le discrédit qu'ils risquaient de subir, dans un pays où les gestes d'intolérance et le discours raciste ne sont pas rares. Mais elle a affaibli en même temps le projet conçu par quelques organisations musulmanes d'envoyer, pour la rentrée scolaire, le plus grand nombre possible de jeunes filles recouvertes du voile. Cette provocation aurait été très mal accueillie dans un contexte terroriste, celui-là même dont les Français musulmans ont su si bien s'extraire : non seulement ils ont condamné le chantage, mais ils ont aidé activement le gouvernement. Une telle attitude entraînait de facto une trêve sur le voile.
Cette trêve pourrait se transformer en paix sociale définitive si, dans les semaines et les mois qui viennent, le gouvernement poursuit la politique de dialogue et de tolérance qu'il a amorcée le jour de la rentrée scolaire. En outre, le comportement des Français musulmans n'a pas été seulement exemplaire : ils ont été amenés à choisir clairement la société française (et même, pourrait-on dire, la laïcité) en rejetant sans ambiguïté toute méthode intégriste et violente. Il leur serait difficile de revenir en arrière et de reprendre une action de désobéissance civile. L'issue de l'affaire des otages conditionnera le comportement de la société française et celui de la forte minorité musulmane.
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