LE DIABÈTE de type 2 cétonurique est une forme atypique de diabète, révélée par une cétose. Il se présente comme un syndrome diabétique sévère, à début aigu, avec une hyperglycémie importante et une cétose ou une acidocétose nécessitant une insulinothérapie. Le cours de la maladie est jalonné de périodes de rémission, où la glycémie revient quasiment à la normale et la sécrétion d'insuline est restaurée, et de rechutes de cétose. Il ressemble au diabète de type 1 au début de la maladie, puis, à long terme, au diabète de type 2. Depuis 1987, le diabète cétonurique est devenu la forme la plus fréquente de diabète dans certaines populations subsahariennes.
En l'absence de facteurs étiologiques connus, et notamment de marqueurs de l'auto-immunité, ce diabète a été qualifié d'idiopathique par l'American Diabetes Association. La description indique qu'un phénomène aigu réversible semble précipiter un diabète chez des sujets prédisposés. Les facteurs déclenchants classiques n'ont pas été retrouvés dans les cohortes de diabétiques cétonuriques : infection bactérienne, prise aiguë d'alcool, corticostéroïdes ou endocrinopathie.
L'équipe de chercheurs, coordonnés par Fabien Calvo et Jean-François Gautier, a voulu tester l'hypothèse suivante : un virus fréquemment rencontré en Afrique, et le plus souvent asymptomatique, est-il associé à la survenue de ce diabète ? Des travaux antérieurs ont montré qu'un virus peut induire une insulinorésistance et un défaut de sécrétion d'insuline.
Compte tenu de la forte séroprévalence de l'herpès virus humain de type 8 (HHV8) en Afrique, c'est ce virus qui a été choisi par les auteurs comme virus candidat.
L'étude s'est déroulée entre janvier 2004 et juillet 2005. Elle a concerné 187 patients originaires d'Afrique subsaharienne, dont 81 étaient atteints de diabète cétonurique et 106 étaient diabétiques de type 2. Un groupe témoin de 90 personnes non diabétiques et originaires d'Afrique subsaharienne a été suivi en parallèle. Une recherche d'anticorps dirigés contre les antigènes du HHV8 a été effectuée chez tous les sujets. La présence du HHV8 dans l'ADN génomique a été réalisée chez 13 personnes souffrant de diabète cétonurique à la phase aiguë.
Les résultats montrent une prévalence de la séropositivité HHV8 très élevée dans le diabète cétonurique. En effet, les anticorps sont retrouvés chez 71 des 81 patients ayant un diabète cétonurique, chez 16 des 106 patients diabétiques de type 2 (odds ratio de 39,9, p < 0,001) et chez 36 des 90 personnes du groupe témoin (OR de 10,7, p < 0,001).
Les auteurs montrent également que chez des patients originaires d'Afrique subsaharienne atteints d'un diabète cétonurique, l'ADN du HHV8 est retrouvé dans quasiment la moitié des cas (6 sur 13) à la phase aiguë, mais chez aucun des 9 diabétiques de type 2 testés.
«La prévalence de l'infection par le HHV8 est presque six fois plus élevée chez les patients avec diabète cétonurique que dans le diabète de type2», notent les auteurs.
Des protéines virales dans les îlots.
L'équipe de Gautier et Calvo a en complément étudié la capacité du HHV8 à infecter les cellules bêtapancréatiques. Et constaté la capacité du virus à infecter ces cellules : les protéines du HHV8 sont trouvées dans les cellules d'îlots bêtapancréatiques après une mise en culture pendant quatre jours en présence du virus.
Des études longitudinales seraient maintenant bienvenues pour comprendre la signification clinique de ces observations, en particulier la relation temporelle entre le virus et le phénotype de susceptibilité au diabète cétonurique.
« JAMA », vol. 299, n° 23, 18 juin 2008. * INSERM U872, centre de recherche des Cordeliers, en collaboration avec le centre d'investigation clinique et les virologistes de l'hôpital Saint-Louis à Paris.
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