UN AN DE PRISON avec sursis pour le Dr Laurence Tramois, reconnue, par les jurés de la cour d'assises de Périgueux, «plus responsable» que l'infirmière Chantal Chanel. Toutefois, la condamnation du Dr Tramois ne figurera pas sur son casier judiciaire.
Les deux femmes étaient accusées d'avoir, le 25 août 2003, respectivement prescrit et administré une injection létale de potassium à Paulette Druais, 65 ans, atteinte d'un cancer du pancréas (« le Quotidien » du 12 mars). Au stade final de sa maladie, la patiente, que le Dr Tramois considérait «comme sa mère», avait été admise dans l'unité de soins palliatifs de l'hôpital Saint-Astier, en Dordogne. Elle était dans un état de santé extrême et avait demandé au médecin, deux jours avant de tomber dans le coma, qu'on ne la laisse pas dépérir. «Je ne regrette rien pour cette patiente, a expliqué le Dr Tramois à la cour. C'était un acte d'amour, de respect.»«Ma thérapeutique avait atteint ses limites», a-t-elle indiqué, en précisant que Paulette Druais, sous morphine, souffrait d'occlusion intestinale avérée. D'ailleurs, «si ça n'avait pas été Paulette», le Dr Tramois avoue qu'elle n'aurait probablement pas prescrit l'injection de potassium. Ayant agi en dehors du cadre de la loi Leonetti sur la fin de vie, qui a été votée plus tard, le 22 avril 2005, Laurence Tramois ne veut pas s'inscrire dans le combat qui anime les militants de la légalisation de l'euthanasie, mais plutôt dans une relation intime.
Un procès « odieux ».
Pour le fils de Paulette Druais, le procès intenté aux deux soignantes a été ressenti comme «odieux». Elles «n'ont rien à faire dans cette salle», a-t-il martelé devant la cour, à l'instar de son père, qui avait déclaré la veille à la barre soutenir «de tout son coeur» ces deux jeunes femmes qui «ne sont pas des accusées» mais «des victimes». Laurent Druais a confirmé le désir de sa mère d' «en finir». «Elle voulait qu'on abrège ses souffrances, elle voulait qu'on l'aide à partir. Ça, elle me l'a demandé. Ça devait être vers le 20 ou le 21» août 2003, soit quelques jours avant sa mort. Reconnaissant que la famille n'avait jamais clairement «abordé le sujet» de l'euthanasie, il a toutefois assuré que tous partageaient «une très grande détresse», en raison du calvaire vécu par sa mère, et qu'il a ressenti «un très grand soulagement» lorsqu'il a appris son décès.
C'est le directeur de l'hôpital qui a choisi de saisir le procureur après avoir été informé des faits par le personnel de l'hôpital. Frédéric Lanneau, cadre de santé à l'hôpital de Saint-Astier, n'a pas voulu garder pour elle une telle découverte : «Cela a été comme un coup de tonnerre. La façon dont cela a été fait, une prescription si grave sans face-à-face avec l'infirmière, cela m'a choquée», a-t-elle dit à la cour. Mais son souhait était plus de provoquer une réunion avec le Dr Tramois que d'en arriver au procès.
Cette faiblesse, le médecin l'a assumée au cour du procès. «Ce que je voudrais dire, c'est que je n'ai pas été à la hauteur de l'équipe soignante ce soir-là (celui de la prescription). J'aurais dû téléphoner à l'infirmière, j'aurais dû lui dire que je n'étais pas capable de faire cette piqûre et lui demander si elle acceptait de le faire.»
Laurence Tramois estime le verdict juste. « Je l'accueille avec le sourire, a-t-elle souligné en sortant du tribunal . J'assume ce que j'ai fait comme médecin. Je suis contente pour Chantal, pour moi, c'était un poids énorme.»
La procédure judiciaire a pris fin et les deux soignantes s'apprêtent à reprendre leur travail «comme d'habitude, avec la tête sur les épaules», a précisé la généraliste, qui a déjà été condamnée par l'Ordre des médecins à une interdiction d'exercer d'un mois (23 mois avec sursis).
« On meurt mal en France ».
Mais le débat sur l'euthanasie n'est pas éteint. Dès le rendu du verdict, Marie Humbert, la mère du jeune tétraplégique qui avait demandé à mourir, a lancé un appel aux politiques pour modifier la loi du 22 avril 2005, dite loi Leonetti. «La loi Leonetti ne protège rien du tout. Un an avec sursis, j'aurais préféré qu'elle n'ait rien. Elle n'aurait jamais dû avoir cette condamnation», a-t-elle déclaré.
Le Dr Jean Leonetti, auteur de la loi votée à l'unanimité par le Parlement, a indiqué que le groupe UMP n'était pas opposé à l'évaluation de la loi de 2005 sur la fin de vie proposée par les socialistes. «La sagesse est de faire en sorte que la loi puisse s'appliquer et nous ne sommes pas opposés à ce qu'il y ait une évaluation à partir d'un constat: c'est qu'on meurt mal en France.» Pour lui, le procès de Périgueux «est la caricature de la solitude, de la détresse du corps médical mal formé pour la fin de vie.» De son côté, la candidate Ségolène Royal a jugé qu'il fallait «rouvrir» le débat sur l'euthanasie et a souhaité que la décision soit prise d'une manière «collégiale au sein de l'hôpital», en association avec les familles.
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