L'ANNEE 2003 RESTERA dans les mémoires comme l'année de l'émergence de la première épidémie du XXIe siècle. L'épidémie de sras (syndrome respiratoire aigu sévère) a rapidement pris une dimension internationale, faisant plus de 8 000 malades et 774 morts dans une trentaine de pays. Toutefois, une réponse rapide et efficace a permis de contrôler la pandémie en moins de quatre mois. Grâce à la participation de l'InVS (Institut de veille sanitaire) aux réseaux de veille mondiaux (OMS), les autorités sanitaires françaises ont pu être alertées dès le début de l'épidémie, le 18 février 2003.
Dans un rapport sur l'épidémie, l'InVS propose une analyse critique de la crise sanitaire comportant, de manière originale, l'étude de ses aspects sociaux, psychologiques et éthiques. En plus de l'amélioration du dispositif, ces questions devront être prises en compte dans l'optique d'une préparation aux risques infectieux émergents.
« La réponse mise en place, largement inspirée des plans conçus pour répondre aux menaces bioterroristes et au risque de pandémie grippale, a permis de faire face à l'introduction des premiers cas de sras et de limiter la transmission secondaire autour de ces cas », indique le rapport.
Entre le 15 mars et le 5 juillet 2003, 437 patients répondant à la définition de « cas possibles » sont signalés à l'InVS. Un grand nombre (175) sont rapidement exclus (absence d'exposition avérée). D'autres, moins nombreux (80), sont gardés en observation pendant 24 à 72 heures, en raison d'une forte présomption, avant que les éléments cliniques et paracliniques permettent d'exclure le sras. Ceux pour lesquels une exposition à un cas probable est fortement suspectée ou avérée, 24 au total, sont maintenus en isolement pendant plus de 72 heures jusqu'à ce qu'un diagnostic différentiel soit établi.
Sur l'ensemble de la période, 7 cas probables sont retenus, dont 4 confirmés par sérologie et/ou PCR (un décès). Ces 7 cas importés se répartissent en deux groupes : le premier de 5 personnes a été exposé au cas index, un médecin qui a travaillé à l'hôpital français de Hanoï où a eu lieu une épidémie de sras et qui a pris l'avion pour revenir (vol Hanoï-Bangkok-Paris). Le second groupe de deux personnes a été exposé à Nankin (Chine) en avril 2003 lors d'un voyage d'affaires. Aucune transmission secondaire n'a été identifiée.
De dures conditions d'isolement.
La mise en place de mesures d'isolement drastiques a souvent été mal vécue par les personnes concernées, surtout lorsque la durée d'isolement s'est prolongée. Les conditions matérielles d'hospitalisation parfois peu confortables (pas de douche), l'absence de liens avec l'extérieur et de visite des proches sont d'autant plus difficiles à accepter que le diagnostic de sras n'est pas confirmé ou qu'il s'agit de personnes « contacts » souvent asymptomatiques. L'hospitalisation des patients étrangers ne s'exprimant pas en français peut être difficile, comme dans le cas de cette patiente anglaise de 84 ans qui s'est laissé dépérir avant que son isolement strict ne soit allégé au bout de 8 jours. Les conséquences sur la vie privée doivent aussi être mesurées. Par exemple, un patient isolé n'a pas pu se rendre à une audience prévue dans le cadre de son divorce. On lui a retiré la garde de ses enfants, le tribunal ayant considéré son absence comme injustifiée. Des enfants de « contacts » ont été exclus de leur école, d'autres n'ont pas été acceptés par les voisins ou leurs camarades de classe.
D'une manière générale, « la mise en place de mesures d'isolement drastiques soulève d'importantes questions éthiques. Respect des libertés individuelles et protection du public, devoir de soigner et protection des soignants, restriction des déplacements et protection de l'économie des pays, autant de sujets qui ne peuvent ni ne doivent être opposées », conclut le rapport.
Une année riche en événements
Le rapport annuel de l'InVS, disponible sur son site Internet (www.invs.sante.fr), met l'accent sur le caractère exceptionnel des alertes auxquelles l'institut a été confronté en 2003 et sur les conséquences qu'elles ont entraînées. Sras, canicule, infections nosocomiales en constituent les points forts. D'autres problèmes comme la surveillance de certaines expositions environnementales (mésothéliome, aluminium) ou le renforcement de la surveillance des infections à VIH, de la rougeole ou des tiac (toxi-infections alimentaires collectives) sont aussi abordés.
A l'occasion de ses Journées scientifiques qui se tiendront à la Maison de la chimie, à Paris, les 7 et 8 décembre, un point sera fait sur l'ensemble de ces questions sanitaires et sur le rôle d'alerte que l'institut joue auprès des pouvoirs publics et des professionnels de santé. Une place particulière sera réservée à la présentation du système d'alerte mis en place en cas de vague de chaleur. Les enjeux sanitaires liés à l'élargissement de l'Europe et à la coordination des réseaux de surveillance et d'alerte à l'échelon européen seront également l'un des thèmes centraux de ces journées.
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