UNE ÉQUIPE de scientifiques suisses a peut-être découvert une solution quasi miraculeuse au problème de l'obésité : un vaccin qui permet non seulement de la prévenir, mais aussi d'amorcer une perte de poids lorsqu'il est déjà trop tard. Ce vaccin cible une hormone intestinale, le peptide inhibiteur gastrique (GIP, pour Gastric Inhibitory Peptide). Son efficacité n'est pour l'instant démontrée que chez la souris, mais Philippe Saudan et coll. (Suisse) semblent très optimistes quant à sa possible utilisation chez l'humain.
Le GIP, aussi connu sous le nom de polypeptide insulinotropique glucose-dépendant, est sécrété par les cellules duodénales et jéjunales après l'ingestion de nutriments. Il facilite alors l'utilisation du glucose et des lipides. Le GIP agit rapidement sur les cellules ß-pancréatiques en stimulant la sécrétion d'insuline, permettant ainsi la captation du glucose. Il participe, en outre, à l'accumulation des triglycérides dans les adipocytes.
Le récepteur au GIP.
Il a récemment été observé que les souris génétiquement modifiées pour être dépourvues de récepteur au GIP sont protégées de l'obésité induite par une alimentation trop riche. De même, l'administration d'antagoniste de ce récepteur réduit la prise de poids des souris trop nourries et entraîne une perte de poids chez les souris obèses.
L'ensemble de ces données indique assez clairement que l'interruption de la voie de signalisation déclenchée par le GIP pourrait constituer une nouvelle stratégie de lutte contre l'obésité.
Saudan et son équipe ont décidé de développer cette approche, non pas en utilisant des molécules antagonistes, dont l'activité n'est que transitoire, mais en cherchant à induire la production d'anticorps capables de neutraliser le GIP.
Dans ce but, les chercheurs ont produit des particules VLP (Virus-Like Particles) recouvertes de courts fragments de GIP. Une expérience préliminaire a permis de démontrer que l'injection de 100 µg de ces particules déclenche, chez la souris, une forte réponse humorale, caractérisée par une importante production d'anticorps anti-GIP. Les chercheurs ont en outre pu établir que ces anticorps sont capables de séquestrer les molécules de GIP produites dans le système digestif des animaux.
L'effet antiobésité de ces particules a ensuite été testé sur des souris vaccinées, soumises à un régime riche en lipides. La prise de poids constatée chez ces animaux s'est révélée inférieure de 35 % à celle mesurée sur des souris témoins non vaccinées. Cet effet semble lié à une prévention de l'augmentation de la masse grasse des animaux soumis à un régime trop riche. Tout se passe comme si, sans GIP actif, l'organisme des souris vaccinées n'était plus capable d'accumuler des lipides au niveau des adipocytes.
Une réduction du poids et de la masse grasse.
Saudan et coll. ont, par ailleurs, montré que la stratégie vaccinale entraîne une réduction du poids et de la masse grasse des animaux déjà obèses. Certaines données suggèrent que la vaccination agirait notamment en entraînant une augmentation des dépenses énergétiques liées à une accélération métabolique.
Des expériences complémentaires ont montré que le vaccin anti-GIP semble sûr et bien toléré par les souris : aucune réaction inflammatoire n'a été observée dans le système digestif des souris traitées. De plus, contrairement aux antagonistes du récepteur au GIP, la vaccination n'est pas associée au développement d'une intolérance au glucose ou à d'autres troubles de l'homéostasie du glucose. De même, aucune modification du métabolisme des lipides ne semble être induite par cette stratégie anti-GIP.
S'ils admettent que de nombreuses données précliniques relatives à la sécurité de cette approche devront encore être produites avant de pouvoir envisager d'injecter leurs particules à des humains, Saudan et son équipe sont convaincus que la vaccination contre GIP pourrait, un jour, constituer une méthode pratique et efficace de traitement de l'obésité.
Fulurija A et coll, « PLoS One », septembre 2008, e3163.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature