DE NOTRE CORRESPONDANTE
L’HEPATITE C est devenue un important enjeu de santé publique. Quelque 170 millions de personnes – soit 3 % de la population mondiale – sont infectées de façon chronique par le virus de l’hépatite C (VHC) (en France, 1 % de la population), parmi lesquelles 20 % évolueront vers une cirrhose, et de 1 à 5 % développeront un cancer du foie.
Le VHC se propage principalement par un contact direct avec du sang humain (transfusions de sang non contrôlé, injections à risque, transmission mère-enfant) et l’infection devient chronique dans environ 70 % des cas.
En dehors des campagnes de prévention, le combat contre le virus de l’hépatite C nécessite de disposer d’un vaccin efficace.
Cependant, les résultats des efforts pour développer un tel vaccin ont été jusqu’ici décevants, l’une des difficultés étant liée à l’extrême hétérogénéité génomique du VHC.
L’étude d’une équipe italienne, Folgori et coll., décrite dans la revue « Nature Medicine », incite maintenant à l’optimisme.
De récents travaux avaient suggéré qu’une vigoureuse réponse immune des cellules T est indispensable pour une éradication spontanée du virus durant l’infection aiguë et la protection à long terme.
Pour leur stratégie vaccinale, Folgori et coll. ont donc choisi avec soin un immunogène et une plate-forme de délivrance, susceptibles d’induire des réponses puissantes et « larges » des cellules T.
L’immunogène utilisé est une région non structurelle (NS3-NS5B) de la souche BK du VHC, appartenant au génotype 1b (la souche la plus fréquente en Europe et aux Etats-Unis).
Un adénovirus incapable de se répliquer.
L’ADN codant pour cet immunogène a été délivré par un adénovirus, incapable de se répliquer, de sérotype 6 ou 24, choisi pour sa faible fréquence chez l’homme. Puis l’ADN a été délivré par vecteur plasmidique en rappel.
Les chercheurs ont évalué ce vaccin candidat chez le chimpanzé, le seul modèle animal à développer une hépatite à la suite d’une inoculation.
Cinq singes ont reçu le vaccin, et cinq autres singes (groupe témoin) ont reçu seulement le vecteur. Le schéma de vaccination par injection IM était le suivant : ad6-ADN à 0 et 4 semaines ; ad24-ADN à 25 semaines ; et plasmide ADN à 35, 37 et 39 semaines.
Les singes ont alors été infectés (par voie IV) à 49 semaines par un virus hétérologue, à savoir la souche H77 de génotype 1a.
Quatre des 5 singes vaccinés ont produit une puissante réponse des cellules T CD8 + spécifique du VHC, déjà présente à 7 semaines, mais maximale à 37 semaines, aussi bien en périphérie que dans le foie. Ces réponses immunes spécifiques, induites par la vaccination, sont aussi réactivées par la souche inoculée, ce qui démontre une réaction croisée.
Eradication du virus et absence d’hépatite.
De façon importante, tous les singes qui ont développé une puissante réponse cellulaire T croisée contre le virus inoculé (4/5) ont été capables d’éradiquer le virus (8 semaines après l’inoculation) et n’ont pas développé d’hépatite aiguë.
«Les résultats de notre étude démontrent qu’un vaccin génétique contre le virus de l’hépatiteC (VHC),reposant sur l’induction des cellulesT spécifiques du virus, peut protéger contre l’infection aiguë et chronique lorsqu’il est administré chez les chimpanzés, même si le virus appartient à une souche différente», fait observer au « Quotidien », le Dr Alfredo Nicosia (Institut de recherche de biologie moléculaire, Rome), qui a dirigé cette recherche. «Cette dernière condition est essentielle pour un vaccin VHC étant donné l’importante variabilité de ce virus.»
«Sur la base de nos résultats, nous pensons que ce vaccin sera efficace pour protéger contre l’hépatiteC chronique dans la majorité des cas et qu’il pourrait même permettre d’éradiquer l’infection s’il était utilisé universellement.»
«Maintenant que nous avons montré qu’une réponse cellulaireT est suffisante pour induire une réponse protectrice avecréaction croisée, nous développerons le concept de vaccin génétique porté par adénovirus pour les essais cliniques contre le VHC. Cela devrait prendre moins d’un an.»
On espère une approche accélérée.
«De plus, puisque nous avons défini le principal facteur immunitaire de protection, nous espérons aussi développer une approche accélérée pour démontrer l’efficacité à la fois dans la population à risque et dans la population générale. »
«Nous pensons que notre étude est significativement différente des précédentes, dans le sens où elle apporte la première preuve solide du succès de la vaccination, avec un vaccin qui est structurellement différent de la souche VHC utilisée pour infecter l’animal. Cela simule la situation réelle, où le principal problème est constitué par l’extrême variabilité des propriétés antigéniques du virus. »
«De façon plus générale, l’approche que nous avons utilisée se montre très prometteuse pour le développement de vaccins efficaces contre d’autres pathogènes qui échappent à l’immunosurveillance humorale. Pour cette raison, nous projetons d’appliquer la même plate-forme technologique à d’autres maladies infectieuses chroniques comme le paludisme et la tuberculose», indique-t-il au « Quotidien ».
> Dr V. N.« Nature Medicine », 5 février 2006, Folgori et coll.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature