LES assureurs privés, qui ne détestent rien tant que le manque de visibilité, connaissent quelques sueurs froides depuis la rentrée. « Est-ce qu'on va pouvoir se sortir de ce sac de nœuds ? », dit crûment Michel Charton, directeur technique santé chez AXA France, en résumant la perplexité de la Fédération française des sociétés d'assurances (Ffsa) devant l'accumulation de dispositions aux conséquences difficilement mesurables pour les complémentaires santé.
La publication à la fin de septembre, avec six mois de retard, du décret fixant le cahier des charges des nouveaux contrats responsables, qui seront les seuls à bénéficier d'aides publiques, n'a pas vraiment rassuré les assureurs. Selon la Ffsa, « de nombreuses difficultés subsistent » pour appliquer ces dispositions au 1er janvier 2006. Quelles garanties modifier ? Comment obtenir l'accord des assurés ? Comment, surtout, anticiper les tarifs alors que, par exemple, il est prévu que ces contrats remboursent « intégralement » certaines prestations de prévention dont la liste n'existe pas encore ? Sans oublier, ajoute la Ffsa, les « différentes interprétations » pour appliquer l'interdiction de remboursement des dépassements hors parcours de soins. Autant d'incertitudes qui rendent difficiles les modifications contractuelles nécessaires. Alain Rouché, directeur santé de la Ffsa, en appelle déjà à la « bienveillance des contrôleurs » dans l'examen de ces contrats responsables en 2006 et demande le « report » du volet lié à la prévention.
Cotations aléatoires.
Le nouveau parcours de soins serait un autre parcours d'obstacles. La Ffsa cite les « erreurs de cotations sur les feuilles de soins », notamment sur les majorations (MPC, MCS), qui rendent incompréhensibles certains décomptes de prise en charge et poussent des patients à se plaindre... auprès de leur complémentaire santé, « le dernier maillon du remboursement ». « Nous sommes dans un système kafkaïen, déclare Michel Charton (AXA). Deux patients dans la même situation peuvent avoir des remboursements différents car la saisine à la base est différente. » Il évoque également l'apparition de « facturations anormales » et dénonce «8 % » de dépassements « non conformes » pour les spécialistes de secteur I. Autant de « cotations aléatoires » et autres « remboursements fluctuants » liés au parcours de soins qui plongent les assureurs dans un brouillard tarifaire difficile à gérer pour des entreprises privées en situation de concurrence.
Ce panorama est complété par « les bonnes nouvelles de la rentrée » qui ont, c'est le moins qu'on puisse dire, surpris les compagnies d'assurances. Favorable au déremboursement total lorsque le service médical rendu des médicaments est jugé insuffisant, la Ffsa n'a guère apprécié la création d'un taux de prise en charge à 15 % pour les veinotoniques pendant une période de deux ans, contraignant les complémentaires à « subir » ce transfert de charges. Un arbitrage qui, accuse la Ffsa, n'a fait l'objet d' « aucune concertation ». L'autre « grande innovation », selon la formule de Gilles Johanet, directeur santé des AGF, est le forfait de 18 euros sur les actes lourds, qui sera sans doute pris en charge de manière automatique par la grande majorité des contrats complémentaires. « Un tabou est tombé, analyse-t-il. On ne peut invoquer le changement des comportements, c'est de l'économie sèche. » Une décision dont la Ffsa ne peut aujourd'hui « mesurer » le coût, faute de précisions.
Opération vérité.
La situation est d'autant plus complexe que les réformes en cours, rappelle Gilles Johanet, ont instauré des euros « sales » (ceux que les complémentaires ne doivent surtout pas rembourser, comme le forfait par consultation, les dépassements hors parcours), des euros « propres » (que les complémentaires sont vivement encouragées à prendre en charge, comme la franchise de 18 euros) et des « euros mous », inclassables. « Nous allons devoir nous doter de logiciels extrêmement puissants ou d'un SOS-tarifs », dit Gilles Johanet, toujours cinglant.
Au total, la Ffsa récuse, comme on s'y attendait, les propos de Xavier Bertrand selon lesquels les complémentaires santé n'ont pas à se plaindre de manière générale et encore moins de justification pour augmenter leurs tarifs. Selon la Ffsa, le seul Plfss justifierait une augmentation, certes limitée (moins de 1 %), des cotisations. Mais, en tenant compte de la croissance naturelle des dépenses, de certaines mesures pas encore opérationnelles et des « dérives » tarifaires possibles, la direction de la Ffsa cite une fourchette de « 6 à 9 % » d'augmentation en 2006.
Elle demande au gouvernement une « opération vérité » sur les chiffres et l'impact des décisions récentes sur les complémentaires (coût, économies). La Ffsa en profite pour réitérer deux demandes : l'implication effective des complémentaires dans la politique conventionnelle et l'accès aux données de santé (codes médicaments) pour « faire le tri » elle-même.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature