De notre correspondante
à New York
Si les mutations des gènes BRCA1 et BRCA2 (pour BReast CAncer 1 et 2) représentent un risque élevé de cancer du sein et de l'ovaire, ils ne sont responsables que d'une petite fraction de cancers du sein. Un consortium international de trois groupes, dirigé par le Dr Nazneen Rahman (Institute of Cancer Research, Surrey, Royaume-Uni), a découvert un troisième gène de susceptibilité au cancer du sein.
Afin de trouver d'autres gènes qui confèrent une prédisposition au cancer du sein, les chercheurs ont conduit une étude de liaison génétique couvrant tout le génome chez une vaste famille affectée du cancer du sein, dont la prédisposition n'est pas due aux gènes BRCA1 ou BRCA2.
L'étude d'une grande famille
Les chercheurs ont trouvé une liaison du cancer avec un segment du chromosome 22q (Lod Score 1,2). Or, coup de chance, il existe sur ce segment un gène qui code pour une enzyme « kinase de checkpoint », mise en action lorsque l'ADN est altéré afin de stopper temporairement le cycle cellulaire avant la division et de permettre la réparation de l'ADN. Ce gène est appelé CHEK2 (pour checkpoint kinase 2).
On sait que des mutations germinales du gène CHEK2 sont présentes dans certaines familles atteintes du syndrome de Li-Fraumeni, qui prédispose à plusieurs cancers, dont le cancer du sein. On sait aussi qu'un variant du gène CHEK2, porteur de la mutation 1100delC, aboutit à une perte de fonction de la protéine kinase. Tout cela désigne le variant CHEK2 1100delC comme un candidat possible pour conférer une prédisposition au cancer du sein. L'équipe a donc recherché cette mutation dans la vaste famille et l'a trouvée chez sept membres atteints du cancer du sein.
Afin d'évaluer l'importance de ce variant dans la prédisposition au cancer du sein, le consortium a examiné sa fréquence dans diverses populations témoins (du Royaume-Uni, des Pays-Bas et d'Amérique du Nord ; n = 1 620), chez 718 familles atteintes du cancer du sein sans mutation de BRCA1 ou BRCA2 (issues des mêmes populations) ainsi que chez 639 individus atteints de cancer du sein non sélectionnés pour une histoire familiale (issus des mêmes populations). La fréquence du variant CHEK2 (1100delC), ont trouvé les chercheurs, est de 1 % dans la population témoin sans cancer (identique dans toutes les populations étudiées).
Risque doublé chez la femme, décuplé chez l'homme
En revanche, le variant est présent chez 5 % des individus qui ont un cancer du sein familial sans mutation BRCA1 ou 2, et chez 13 % des hommes qui ont un cancer du sein familial. Donc, ce variant confère un risque accru de cancer du sein. Mais dans les séries d'individus atteints du cancer du sein avec ou sans histoire familiale (n = 639), la fréquence du variant ne diffère pas significativement de celle de la population générale (1,4 %), ce qui indique que ce variant compte un risque modeste de cancer du sein, précisent les chercheurs.
La présence du variant CHEK2 chez une femme, estiment-ils, double le risque de cancer du sein (RR = 1,7), et chez l'homme le multiplie par dix (RR = 10,28).
Ce variant, ont-ils calculé, serait responsable de 1 % des cancers du sein chez la femme et de 9 % des cancers chez l'homme.
Enfin, les protéines codées par CHEK2 et les deux autres gènes de susceptibilité au cancer du sein, BRCA1 et BRCA2, interviennent probablement dans la même voie. En effet, la fréquence du variant dans les familles affectées par le cancer du sein avec mutation BRCA1 ou BRCA2 ne diffère pas de la fréquence du variant dans la population témoin. De plus, on sait que la protéine CHEK2 phosphoryle et régule BRCA1.
Les chercheurs concluent que l'allèle CHEK2 1100delC confère, avec une faible pénétrance, une susceptibilité au cancer du sein. Il reste à savoir quelle pourrait être la demande, et l'utilité, du dépistage de cet allèle.
« Nature Genetics », 21 avril 2002, http://dx.doi.org/10.1038/ng879.
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