L'ETHIONAMIDE est un puissant antibiotique antituberculeux, utilisé dans la lutte contre Mycobacterium tuberculosis. Toutefois, son action est limitée par la présence d'une molécule bactérienne appelée EthR, qui inhibe l'éthionamide de façon indirecte et qui oblige à en administrer de fortes doses, toxiques pour le foie. Dans ce contexte, une équipe de l'institut Pasteur de Lille, animée par Alain Baulard (Inserm) et Vincent Villeret (Cnrs), propose une approche originale pour augmenter la sensibilité des bacilles à l'éthionamide et permettre ainsi une utilisation de doses moins toxiques. De quoi s'agit-il ?
Une prodrogue.
Il faut d'abord rappeler que l'éthionamide est une prodrogue : pour acquérir son pouvoir bactérien, il doit être activé par une enzyme bactérienne : il y a quatre ans (« Journal of Biological Chemistry »), Baulard et coll. avaient identifié l'enzyme bactérienne responsable de cette activation : il s'agit de l'EthA. Plus tard, cette même équipe a montré que l'activation de l'éthionamide par l'EthA est en réalité contrôlée par une autre protéine, appelée EthR (« Molecular Biochemistry », 2004). C'est dans ce contexte que se situe le nouveau travail des Lillois. Les chercheurs ont résolu la structure tridimensionnelle de l'EthR par cristallographie aux rayons X ; ils montrent que, dans certaines conditions expérimentales, EthR est neutralisée par une molécule (un ligand) : associée à ce ligand, l'EthR ne parvient plus à bloquer l'activation de l'éthionamide ; ce médicament peut alors exercer pleinement son effet antibiotique.
Les chercheurs montrent que lorsque les bactéries sont traitées par l'éthionamide en présence d'une molécule simple dérivée de ce ligand, les bactéries y sont plus sensibles ; ce qui signifie que des doses plus faibles d'éthionamide peuvent être utilisées pour tuer les bactéries dans ces conditions.
Aussi, les chercheurs espèrent pouvoir utiliser cette synergie d'activité pour réduire la dose thérapeutique de l'éthionamide et de ses dérivés, ce qui limiterait l'apparition des effets toxiques indésirables lors du traitement de la tuberculose ou de la lèpre, qui est soumise aux mêmes limitations thérapeutiques.
Frédéric Frénois, Jean Engohang-Ndong, Camille Locht, Alain R. Baulard et Vincent Villeret. « Molecular Cell », 22 octobre 2004.
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