L'amélioration des pratiques de lutte contre la douleur, notamment chez l'enfant, est une priorité clairement affichée dans notre pays. Des incitations législatives et des recommandations existent, elles sont nécessaires, mais insuffisantes pour que, dans la pratique quotidienne, la majorité des patients reçoivent une prise en charge efficace. Ce « passage à l'acte » nécessite un travail régulier et continu au sein des services pour sensibiliser, évaluer et entretenir la motivation des équipes hospitalières.
« EN COMPARANT la France à ses voisins européens et à l'Amérique du nord, notre pays se situe largement dans le peloton de tête en matière de législation, d'incitation, de production de supports audiovisuels, de recommandations concernant une meilleure prise en charge de la douleur », souligne le Dr Annequin.
Dès 1998, les autorités sanitaires ont fait de la lutte contre la douleur une priorité de santé publique. Trois plans nationaux ont été mis en place. Parallèlement, des recommandations de bonne pratique clinique concernant la douleur de l'enfant ont été élaborées par l'Anaes et la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (Fnclcc). Il faut aussi souligner le rôle d'associations particulièrement dynamiques, qui mènent de multiples actions pour sensibiliser les professionnels à une meilleure prise en charge de la douleur de l'enfant.
«Malgré ces incontestables atouts, la réalité apparaît moins glorieuse», note le Dr Annequin. Bien souvent, la mise en place de moyens antalgiques efficaces repose sur des décisions individuelles. Les bonnes pratiques restent hétérogènes et, au final, « soignant-dépendantes ». Dans bien des cas, un seul soignant parvient à bloquer tout projet de lutte contre la douleur : refus d'utilisation des solutions sucrées pour le soulagement de la douleur des gestes pratiqués sur le nouveau-né, refus d'utilisation du mélange 50/50 protoxyde d'azote/oxygène (Meopa), refus de disposer de morphine aux urgences…
Un état des lieux chiffré.
Comment améliorer ces situations ? «Tout d'abord, il est très important de rendre visible la douleur pour décrire objectivement les pratiques et mettre en lumière des phénomènes jusque-là mal identifiés», explique le Dr Annequin. Plusieurs études ont ainsi mis en évidence les failles dans la lutte contre la douleur en pédiatrie. L'étude EPIPAIN « Gestes douloureux chez le nouveau-né en réanimation : état des lieux » a été réalisée dans 13 centres de réanimation néonatale auprès de 431 enfants. Elle a permis d'analyser très finement les conditions de réalisation de plusieurs milliers de gestes douloureux : 30 161 gestes de nature douloureuse et 30 814 gestes inconfortables ont été retrouvés chez ces 431 enfants ; soit, au total, 60 975 gestes douloureux ou inconfortables. «L'impact de ce travail apparaît majeur car les équipes participant à l'étude ont pu réaliser l'ampleur des problèmes à résoudre. Elle suscite au sein des équipes une large réflexion sur l'utilité, la valeur informative d'un geste, d'un soin», commente le Dr Annequin. Une autre étude réalisée dans quatre maternités, dont deux de CHU, sur 259 nouveau-nés, a montré que même des moyens efficaces et faciles à mettre en place (succion, solutions sucrées, etc.) pour soulager la douleur lors des prises de sang ne sont toujours pas utilisés dans un centre sur quatre. Une analyse chiffrée des pratiques, en interne, dans un service, peut également débloquer certaines situations. Ainsi, par exemple, l'audit sur les soins d'abcès réalisé par une équipe infirmière a complètement modifié les pratiques chirurgicales. Des études locales ayant donné lieu à des présentations aux journées Unesco sur le thème de « la douleur de l'enfant : quelles réponses ? » ont aussi modifié durablement les pratiques.
Enfin, si l'on veut garantir la qualité de la prise en charge de la douleur, il faut élaborer des protocoles standardisés, qui permettent d'homogénéiser les pratiques et les réponses antalgiques. Des exemples concrets sont disponibles sur le site Pediadol.
D'après un entretien avec le Dr Daniel Annequin, unité fonctionnelle d'analgésie pédiatrique, hôpital d'enfants Armand-Trousseau, Paris.
Les associations
L'association Atde-Pediadol (wwww.pediadol.org) a organisé, à l'Unesco, depuis 1990, 12 journées nationales « La douleur de l'enfant : quelles réponses ? » ; ces journées soutenues par la Direction générale de la santé, rencontrent chaque année un succès considérable en réunissant 1 400 professionnels de la santé.
L'association Sparadrap (www.sparadrap.org) réalise et diffuse des documents pédagogiques pour les enfants, les familles et les soignants sur l'utilisation de la morphine, du Meopa, sur le maniement des outils d'évaluation, sur les douleurs provoquées, etc. Une dizaine de films vidéo consacrés à la douleur de l'enfant sont actuellement disponibles. La qualité et le nombre de ces documents audiovisuels placent la France en tête des pays dans ce domaine de la douleur de l'enfant. Le groupe « douleur » de la Société française d'oncologie pédiatrique (actuellement Sfce, Société française de lutte contre les cancers et les leucémies de l'enfant et de l'adolescent) réunit et sensibilise les professionnels depuis plus de dix ans. Le réseau toulousain Enfant-do mobilise et structure les professionnels autour de l'enfant porteur de douleurs massives.
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