C 'est encore une particularité française, que souligne Eric Jougla dans l'éditorial d'un numéro thématique du « BEH » consacré à la mortalité prématurée : le taux de mortalité évitable (avant 65 ans) est le plus élevé d'Europe pour les hommes et n'est dépassé pour les femmes qu'au Danemark et au Luxembourg. Après 65 ans, en revanche, tous les espoirs sont permis, puisque l'espérance de vie est alors la plus élevée de tous les pays de l'Union européenne.
Sur les 110 470 décès survenus avant 65 ans en 1999, analysés par le Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc-INSERM, Le Vésinet), un tiers (37 908) sont considérés comme évitables en raison de leurs causes liées à des comportements à risque : cancers du poumon (9 500), suicides (7 300), alcoolisme (7 000), accidents de la circulation (6 500), cancers des voies aéro-digestives supérieures (5 500).
La mortalité évitable touche principalement les hommes (29 963 décès) avec des taux de décès neuf fois plus élevés que chez les femmes pour les cancers du poumon et six fois pour les tumeurs des VADS.
Un record européen
Les cancers du poumon et des VADS sont d'ailleurs les principaux responsables des années potentielles de vie perdues (APVP, nombre d'années qu'un sujet mort avant 65 ans n'a pas vécues), selon l'étude de trois chercheuses de l'Institut de veille sanitaire : sur 482 000 APVP par an, les cancers du poumon sont responsables de 97 000 (dont 81 000 chez les hommes) et les cancers des VADS de 63 000. C'est encore une spécificité française : malgré une diminution depuis 1985, la France reste largement en tête des pays européens pour la mortalité prématurée par cancer.
C'est surtout vrai pour les hommes, chez qui prédominent les cancers liés aux risques individuels (tabac, alcool). Pour les femmes, les décès prématurés sont davantage liés à l'accès au système de soins, puisqu'il s'agit de cancers (sein, utérus) qui peuvent être dépistés et soignés précocement ; si les Françaises ne sont pas mal placées parmi les Européennes, les inégalités sociales en matière de mortalité prématurée sont plus importantes en France que dans la plupart des autres pays développés.
Mais l'ampleur des chiffres de mortalité évitable implique par définition une large marge de manuvre. Déjà, les taux de décès ont fortement baissé dans les années 1990, surtout avant 45 ans. Chez les hommes, preuve de l'utilité de la prévention primaire, les diminutions les plus importantes sont observées pour le sida, les décès liés à l'alcool et les accidents. Témoins de la difficulté de la lutte contre le tabagisme, en revanche, les décès prématurés par cancer du poumon (de 7 856 en 1989 à 8 035 en 1999) stagnent chez les hommes et augmentent chez les femmes (de 874 à 1 526).
« La mortalité prématurée serait la conséquence de pratiques de santé à risque et d'un retard dans le domaine de la prévention primaire, résume Eric Jougla. Les risques de décès relativement faibles après 65 ans seraient la conséquence du fonctionnement satisfaisant du système de soins en France par rapport à d'autres pays. » Et de conclure sur l'intérêt de la mortalité prématurée comme indicateur du niveau de santé de la population et des problèmes à résoudre.
* N° 30-31/2003, 8 juillet. Outre l'éditorial : « Certification et codification des causes médicales de décès » (voir encadré), « La mortalité évitable liée aux comportements à risque, une priorité de santé publique en France », « La mortalité prématurée par cancer : une spécificité française ? », « Mortalité chez les hommes ayant travaillé à EDF-GDF ».
L'importance du certificat de décès
La fiabilité des études épidémiologiques et des comparaisons internationales dépend de la qualité des certificats de décès, « acte fondateur qui constitue la base de la statistique ». Obligatoirement rempli par un médecin, le certificat comprend une partie médicale consacrée aux causes de décès, qui doit être close pour préserver la confidentialité. Le certificat est transmis à la mairie qui rédige deux documents : l'avis 7 bis avec les informations d'état civil, qui sera transmis à l'INSEE ; le bulletin 7, qui comprend les informations individuelles mais sans le nom et sera adressé, avec la partie inférieure du certificat toujours close, à la DDASS, laquelle les transmettra ensuite à l'INSERM.
La partie médicale du certificat permet de signaler, outre la cause immédiate et la cause initiale de la mort, les autres états morbides qui ont pu contribuer au décès. En France, la quantité d'informations est importante, puisque le nombre moyen de causes de décès mentionnées par certificat est de 3,1.
Pour améliorer encore la qualité de la certification, un guide européen est en cours d'élaboration. En attendant, le CépiDc-INSERM diffuse sur demande un document résumant les caractéristiques principales d'une bonne certification.
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