DE NOTRE CORRESPONDANTE A NEW YORK
«LES RéSULTATS suggèrent que nous pourrions avoir un outil capable de distinguer les patients qui bénéficieront de la chimiothérapie à base de cisplatine de ceux qui n’en tireront aucun avantage», commente dans un éditorial le Dr Eddie Reed (Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta). «Cette étude confirme les résultats de nombreuses études, plus petites, qui suggèrent que l’expression d’ERCC1 (ARN ou protéine) représente le marqueur le plus utile pour indiquer une résistance au cisplatine et à ses analogues.»
Tous les patients ne répondent pas positivement à la chimiothérapie par cisplatine ou ses analogues. L’emploi de marqueurs moléculaires pour identifier ceux qui pourraient bénéficier ou non de la chimiothérapie est un nouveau domaine de recherche qui soulève un vif intérêt.
Un mécanisme de réparation majeur.
On connaît le mode d’action du cisplatine : il se lie à l’ADN et y crée des lésions capables d’inhiber la réplication et qui conduiront à la mort de la cellule cancéreuse. Toutefois, les cellules possèdent des mécanismes de défense et peuvent en particulier neutraliser les lésions de l’ADN par des mécanismes de réparation. Ainsi, un mécanisme de réparation majeur qui permet aux cellules «d’échapper» à l’action cytotoxique du cisplatine est l’excision de nucléotide, un processus complexe qui met en jeu plusieurs protéines.
L’enzyme ERCC1 (l’une des protéines du complexe de réparation par excision de nucléotide), qui «détache» les molécules de cisplatine de l’ADN pourrait constituer un bon marqueur de résistance du cancer au cisplatine et à ses analogues ; en effet, plusieurs petites études rétrospectives ont démontré la corrélation entre l’expression de l’ARNm du gène ERCC1 et la résistance au cisplatine de divers cancers (gastrique, ovarien, colo-rectal, oesophagien ou du poumon Napc).
Publiée en 2004, l’étude IALT (International Adjuvant Lung Trial), menée par le Pr Thierry Le Chevalier (institut Gustave-Roussy, Villejuif), avait permis de mettre en évidence un modeste bénéfice (4,1 %) sur la survie à cinq ans chez 1 867 patients qui avaient reçu une chimiothérapie adjuvante après résection complète d’un cancer du poumon Napc. Cette chimiothérapie adjuvante, à base de cisplatine, a depuis été intégrée au traitement standard de ce type de cancer.
L’enzyme ERCC1 dans les échantillons tumoraux.
L’étude IALT Bio, publiée cette semaine dans le « New England Journal of Medicine », avait pour objet de mieux cerner la population sensible à cette chimiothérapie. L’équipe du Dr Soria (IGR, Villejuif) s’est intéressée au niveau d’expression de l’enzyme ERCC1 dans les échantillons tumoraux. Pour la première fois dans une vaste étude clinique, les taux de la protéine, plutôt que ceux de l’ARNm, ont été utilisés pour évaluer l’expression de l’enzyme ERCC1.
Les résultats portent sur 761 tumeurs. Cinquante-six pour cent des tumeurs étaient ERCC1-négatives et 44 % des tumeurs étaient ERCC1-positives. Le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante est associé à l’absence d’expression d’ERCC1. La chimiothérapie adjuvante, par rapport à l’observation, prolonge donc de façon significative la survie globale de 14 mois chez les patients dont le cancer est ERCC1-négatif (56 %). Leur risque de décès individuel est également diminué de 33 % (contre 14 % dans la population de l’étude IALT).
En revanche, chez les 44 % de patients porteurs de cancer ERCC1-positif, aucune différence de survie n’a été observée entre ceux qui reçoivent la chimiothérapie et ceux qui n’en bénéficient pas.
Simple et peu coûteux.
«Puisque le test immunohistochimique–simple et peu coûteux– que nous avons utilisé peut être effectué dans presque tous les laboratoires d’anatomopathologie, nos résultats pourraient être largement applicables s’ils sont confirmés par des études indépendantes», notent Olaussen et coll.
Des alternatives thérapeutiques devront être testées et proposées aux patients qui expriment l’ERCC1, donc résistants au cisplatine, dans le cadre d’essais cliniques.
« New England Journal of Medicine », 7 septembre 2006, pp. 983 et 1054.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature