IL EXISTE des problèmes d'audition que l'audiogramme ne peut détecter. Certaines personnes se plaignent de difficultés à comprendre la parole dans un environnement bruyant. Pourtant, à l'exploration audiométrique classique, l'audiogramme ne montre pas de déficits.
Si ce type de trouble, très gênant dans la vie quotidienne et sociale, est plus fréquent chez les personnes âgées, les jeunes et même les enfants ne sont pas épargnés. La cause la plus fréquente de la gène auditive en milieu bruyant est en effet génétique, rappelle le Pr Christian Lorenzi (laboratoire de physiologie de la perception, Cnrs/université Paris-V), qui a participé à des travaux publiés dans « Proc Natl Acad Sci USA », permettant de mieux comprendre les causes de ces surdités particulières. Mais on peut aussi incriminer les nuisances sonores : concerts, baladeurs, oreillettes de téléphone portable, «tout ce qui incite à consommer trop de décibels».
Un nettoyage pour extraire la parole.
Un système auditif normal permet au sujet de percer le bruit, de le « nettoyer » pour extraire la parole humaine et comprendre une conversation. Cette faculté s'appelle le « démasquage », explique le Pr Christian Lorenzi.
Les difficultés en milieu bruyant sont donc dues à une impossibilité du système auditif de réaliser ce démasquage.
L'oreille interne possède la faculté de décomposer les fréquences des sons en général et de la parole en particulier. Le signal sonore est soumis à des variations lentes (dites enveloppe temporelle du son, quelques hertz) et à des variations rapides (dites structures fines du son, de quelques centaines à quelques milliers d'hertz). Les difficultés de démasquage seraient une conséquence d'une incapacité à percevoir la structure fine de la parole. Les patients gênés tout naturellement se reportent sur l'enveloppe temporelle pour entendre les sons. Ces fluctuations permettent une intelligibilité suffisante dans le silence, mais pas en présence de bruits ambiants, généralement fluctuants en intensité : restaurant, dialogues sur musique de fond, bruits de la rue, brouhaha.
De plus, en présence de bruits variables en intensité, l'oreille normale capte la parole dans les « vallées » temporelles du bruit, les moments où le bruit diminue (il est alors peu masquant). Mais pour entendre dans ces vallées du bruit, là encore, les informations de structure fine semblent nécessaires.
Le bilan audiométrique classique ne permet pas de détecter la lésion de l'oreille interne : l'audiogramme réalisé en cabine insonorisée ne mesure qu'une diminution de l'audibilité des sons.
Le nouveau check-up Entendre.
Les travaux réalisés par les chercheurs du Graec*, en partenariat avec le réseau d'audioprothésistes Entendre, ont conçu un test de démasquage de la parole dans les bruits fluctuants, le vocodeur : on sépare sélectivement les deux composantes fréquentielles de la voix (ou d'un autre son) et on propose à l'écoute les deux sons synthétiques, ce qui va permettre de faire le diagnostic. En testant le vocodeur sur les malentendants, les chercheurs ont précisé les troubles des informations de la structure temporelle fine.
Ce nouveau test auditif appelé « nouveau check-up Entendre » a été conçu à partir du logiciel mis au point par le Graec. En septembre, les audioprothésistes du groupe Entendre vont proposer un test de dépistage gratuit. On établit pour chacun un score de démasquage. Puis, selon le score, on oriente le patient vers un médecin ORL.
Ces travaux, par ailleurs, permettent aux audioprothésistes de proposer des solutions d'aide auditive pour améliorer la perception de la parole dans le bruit. Et aux industriels de développer des appareils plus adaptés, pour l'écoute de la vie courante, mais aussi pour l'utilisation des écouteurs de type Bluetooth, MP3, GSM…
Paris. Conférence de presse.
* Groupement de recherche en audiologie expérimentale et clinique.
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