LES RÉSULTATS de l'évaluation du test utilisé pour le dépistage de la leptospirose, publiés dans le « BEH », mettent en doute la qualité du diagnostic et de la surveillance de la leptospirose en France. La surveillance de la maladie, qui n'est plus à déclaration obligatoire depuis 1976, repose en effet sur la collecte du nombre de cas par le Centre national de référence des leptospiroses (CNRL). Le diagnostic est réalisé grâce au test de microagglutination ou MAT (Microscopic Agglutination Test) mis au point il y a près d'un siècle par Martin et Petit (1918). Il reste, à ce jour, la technique de référence pour le titrage des anticorps sériques et le sérotypage de la souche de leptospire infectant.
Cependant, l'arrêté ministériel du 20 septembre 2005 (« JO » du 11 octobre) fixant la nouvelle nomenclature des actes de biologie médicale a modifié la procédure. Il stipule que le test MAT ne doit être utilisé qu'en cas de dépistage positif effectué à l'aide du test par macroagglutination ou test TR (Thermorésistant), d'un coût moindre que le précédent (cotation B30 au lieu de B120). La modification est contestée par les chercheurs du CNRL : «À notre connaissance, le test de dépistage TR n'est utilisé qu'en France et le changement de nomenclature de 2005 n'est fondé sur aucune étude publiée», affirment-ils. Des données de 1989 tendaient plutôt à en souligner les limites, et leur étude le confirme.
162 patients non dépistés.
Entre décembre 2006 et février 2008, Mathieu Picardeau et ses collègues de l'Institut Pasteur (CNRL et centre national de référence des Borrelia) ont systématiquement réalisé les deux tests sur tous les sérums qui leur ont été adressés, indépendamment du résultat du test TR. Sur l'ensemble des 4 112 sérums, le taux de faux positifs (sérums négatifs par MAT mais positifs par TR) a été de 67 %. Le taux de faux négatifs était, pour la même période, de 5 % (sérum positif par MAT mais négatif par TR). Ainsi, «162patients présentant un titre significatif d'anticorps contre des leptospires pathogènes n'auraient pas été dépistés en l'absence d'un MAT systématique», soulignent les investigateurs. Le tiers de ces faux négatifs provient de patients des départements et territoires d'outre-mer, principalement la Guadeloupe et la Martinique. Au cours de la période, le CNRL a diagnostiqué 362 cas de leptospirose, dont 235 en France métropolitaine.
«Les performances du testTR, telles celles rapportées ici avec une VPP (valeur prédictive positive) de 33% et une VPN (valeur prédictive négative) de 95%, remettent en cause la fiabilité du TR en tant que test de dépistage», affirment-ils encore. De même, la forte proportion de faux positifs invalide son utilisation pour un premier criblage des sérums.
Selon eux, «il est essentiel que la MAT soit réalisée, indépendamment du résultat du TR, dans les cas où la leptospirose est cliniquement suspectée».
Les auteurs relèvent par ailleurs que le TR échoue à dépister certains sérogroupes, comme les Icterohaemorrhagia et Grippotyphosa, qui représentent près de la moitié des sérogroupes identifiés en 2006 et 2007, en France métropolitaine. Ce défaut, déjà décrit dans la littérature, pourrait s'étendre à d'autres sérogroupes. «L'application stricte de l'arrêté ministériel du 11octobre 2005 fait donc craindre une diminution de la qualité du diagnostic et de la surveillance de la leptospirose», concluent Mathieu Picardeau et coll.
500 cas par an
La leptospirose est une zoonose émergente souvent grave : 500 000 cas sont recensés chaque année dans le monde, dont 10 % ont une issue fatale. La France, avec 500 cas annuels, est, parmi les pays industrialisés, celui qui a le taux d'endémie le plus élevé. La moitié des cas français proviennent des DOM-TOM. Toutefois, l'incidence pourrait augmenter en France métropolitaine du fait des changements climatiques.
Dans les pays industrialisés, la maladie touche classiquement certaines catégories professionnelles (égoutiers, pisciculteurs) et les adeptes de loisirs en plein air (baignade, pêche, rafting, canyoning), par contact avec les eaux douces souillées par les animaux infectés. Ses principaux réservoirs sont les rongeurs, en particulier les rats, qui excrètent la bactérie dans les urines. Le traitement des formes graves nécessite une hospitalisation. Il repose sur la réanimation médicale et l'antibiothérapie (amoxicilline, céphalosporine et cyclines) administrée le plus tôt possible.
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