En dépit d'une majoration continue de la fréquence des mésothéliums en rapport avec une exposition à l'amiante au cours des années 1960 et 1970, le diagnostic de ces affections des cavités séreuses - généralement la plèvre - reste difficile à un stade curable. C'est pour pouvoir traiter efficacement par chirurgie ces cancers radio- et chimiorésistants qu'il est nécessaire de disposer d'un marqueur sérique fiable des stades précoces de la maladie.
Une protéine fixée à la surface de la plèvre
L'équipe du Dr Bruce Robinson (Australie) a proposé de tester l'intérêt du dosage de protéines solubles spécifiques, les SMR (mesothelin-related proteins), dérivées d'un précurseur de grande taille qui se scinde en plusieurs fragments, dont la mésothéline, protéine se fixant à la surface des cellules pleurales.
La famille des SMR a été découverte dans les années 1990. Ces protéines peuvent être détectées chez des sujets atteints de carcinome - en particulier de formes ovariennes de ces cancers - ou de mésothéliums.
Afin de tester si les SMR peuvent représenter un moyen de diagnostic précoce des tumeurs liées à l'exposition à l'amiante, les chercheurs australiens ont analysé le sérum de 44 patients (39 hommes et 5 femmes) hospitalisés pour mésothélium entre 1997 et 2002. Ils ont comparé ces résultats avec l'analyse sérologique pratiquée chez 68 sujets contrôles en bonne santé, 40 autres personnes ayant été exposées à l'amiante et 160 malades atteints de pathologie inflammatoire ou carcinologique impliquant la plèvre.
« L'analyse rétrospective sérologique a permis de déterminer qu'il existe une majoration nette du taux de SMR chez 84 % des patients atteints de mésothélium (37 sur 44). Chez les témoins atteints de pathologie pleurale, ce chiffre n'est que de 2 % et, chez les témoins sains, il est nul », explique le Dr Robinson.
Un taux de SMR élevé chez 84% des patients atteints
L'analyse des dossiers clinique et paraclinique des patients a permis de déterminer que le taux de SMR est corrélé avec la taille de la tumeur estimée par imagerie ou par examen histopathologique extemporané.
En outre, un taux de SMR élevé a été détecté chez 7 des 40 sujets précédemment exposés à l'amiante. Ces personnes ont bénéficié d'un suivi clinique et paraclinique régulier et, en un à cinq ans, trois d'entre eux ont développé un mésothélium, alors qu'un autre patient a été atteint d'un carcinome pulmonaire. En revanche, aucune des trente-trois autres personnes, qui ont été suivies en moyenne pendant huit ans, n'a développé de pathologie de la plèvre ou des cavités séreuses.
Chez les sujets ayant bénéficié d'une intervention chirurgicale sur leur mésothélium, les taux de SMR ont diminué proportionnellement à la taille de la tumeur extraite. En revanche, chez les sujets ayant bénéficié d'une radio ou d'une chimiothérapie - deux techniques très peu efficaces, voire tout à fait inefficaces chez ces patients -, ce taux n'a pas varié ou a régulièrement augmenté.
« Si l'on s'en réfère à ces résultats, on peut affirmer que le taux de SMR représente un marqueur des mésothélium doté d'une sensibilité de 84 % et d'une spécificité de 100 % », analysent les auteurs. Ce test pourrait donc être pratiqué en routine pour le diagnostic précoce des pathologies néoplasiques liées à une exposition à l'amiante et permettre une intervention thérapeutique précoce. Il pourrait aussi être utile au suivi postchirurgical de ces patients afin d'éliminer toute récidive de la pathologie néoplasique.
Néanmoins, avant d'envisager une généralisation du test, il reste nécessaire d'évaluer dans l'ensemble des pathologies carcinomateuses - et en particulier dans les cancers du pancréas - les variations du taux de SMR.
« The Lancet », vol. 362, pp. 1612-1616, 15 novembre 2003.
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