L'AUSTRALIE c'est loin, et la Terre d'Arnhem au nord du Territoire du Nord, encore plus loin. Entre sa maison natale de l'Hérault et le camp Bodeidei qu'il a installé dans le bush, François Giner a d'abord bourlingué tout autour de la Terre, et quand il a abordé le continent en 1974, il lui a fallu encore des années avant de rencontrer son « destin » sous les traits d'un certain Balang, ou George. Là commence l'histoire qu'il nous raconte dans un livre qui n'est pas spécialement d'aventures et qui ne vise pas le sensationnel, mais qui est empreint d'une rare humanité, qu'il partage avec ces hommes et ces femmes que deux siècles de colonisation leur avait pour ainsi dire déniée.
On sait que l'amiral Cook prit en 1770 possession de l'île-continent en la déclarant «terra nullius», c'est-à-dire inhabitée, alors que quelque mille cinq cents tribus se répartissaient sur l'ensemble du territoire, représentant un à deux millions d'habitants ! Ce n'est que depuis 1967, il y a donc quarante ans, que les Aborigènes sont considérés comme des citoyens australiens et comptabilisés dans les recensements. Mais François Giner ne s'intéresse ni aux chiffres ni aux revendications dont, en prêtant bien l'oreille, on a pu avoir écho via les métis ; ce sont eux qui représentent la communauté aborigène et parlent en son nom.
Ceux qu'il connaît et qu'il aime sont les Aborigènes de souche, six fois moins nombreux que les précédents et qui continuent d'être tenus à l'écart : «Utilisés par l'ensemble de la société australienne, Blancs et métis, qui tire des milliers d'emplois, dans l'administration, le commerce, le tourisme, l'artisanat..., de l'exploitation de leur culture, et notamment de leur écriture dont on a fait un art dénué de toute valeur traditionnelle (les «peintures» aborigènes), ils sont condamnés, à travers l'alcool, la maladie, le manque d'hygiène, à une lente disparition.»
Un « génocide passif ».
Leur espérance de vie dans les Territoires du Nord est de quarante-huit ans, presque tous les enfants qui naissent présentent des malformations, des problèmes rénaux, cardiaques, respiratoires, plus de 70 % des hommes et 30 % des femmes sont alcooliques, etc. Pour l'auteur, la perte de tout repère traditionnel et l'impossibilité en même temps de s'intégrer à la société blanche revient à un véritable « génocide passif ».
François Giner raconte comment, grâce à George Jangawanga, ce vieux sage qui l'a pris pour frère, il s'est progressivement intégré au clan des Ngklabon, et comment avec eux il a monté un camp qui accueille de petits groupes de voyageurs pendant la saison sèche. Un camp qui répond vraiment au terme de tourisme culturel.
Comme il n'est pas ethnologue et surtout comme il respecte la culture du secret de ses amis, il ne dresse pas un catalogue des cérémonies, de l'art (la peinture qui est en fait de l'écriture) ou des croyances des Aborigènes ; c'est entre les lignes que l'on déchiffre le fameux « Dreamtime », le récit des origines, et lorsqu'il montre les beautés de la nature, de la faune et de la flore, lorsqu'il évoque les rites toujours respectés, il nous met sur la voie de leur rythme circulaire. Ce livre-témoignage est véritablement une invitation aux voyages, au pluriel.
Éditions Albin Michel, 295 p., 19,50 euros.
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