Un visage en gros plan. « Aviez-vous déjà tué quelqu'un ? » - « Non, c'était la première fois » : en 1979, à Jérusalem, Claude Lanzmann a interrogé Yehuda Lerner pour le tournage de « Shoah ». Mais la révolte du camp d'extermination de Sobibor, dont Lerner, qui avait alors 16 ans, fut l'un des artisans, « méritait un film en soi ». Parce que, explique Lanzmann, « elle est un exemple paradigmatique » de « la réappropriation de la force et de la violence par les Juifs » ; parce qu'il « faut faire justice d'une double légende, celle qui veut que les Juifs se soient laissés conduire au gaz sans pressentiment ni soupçon, que leur mort ait été "douce", et cette autre selon laquelle ils n'opposèrent à leurs bourreaux aucune résistance ».
Alors Lanzmann, 75 ans, a repris son bâton de pèlerin, ou plutôt sa caméra, et est reparti, en Pologne et en Biélorussie, sur les traces des victimes et, en l'occurrence, des révoltés. Il a filmé une nouvelle fois les rails envahis par les herbes, Varsovie et le monument du ghetto, Minsk et bien sûr Sobibor... A Sobibor, le gouvernement polonais a décidé, il y a peu, la construction d'un petit musée, « mais, dit Lanzmann en prologue, musées et commémorations instituent l'oubli autant que la mémoire. Ecoutons la parole vive de Yehuda Lerner ».
La parole qui dit, traduite par la belle voix féminine de l'interprète, « la chance » d'un jeune homme qui a pu s'évader de huit camps, l'horreur d'un lieu dont personne ne ressortait vivant, avec les cris des oies pour couvrir les cris des hommes, la simplicité du geste meurtrier (le crâne du gardien allemand fendu en deux avec une hache très bien aiguisée). « C'était simplement la réalité qui nous forçait à agir ainsi, dit Lerner. (...) Nous ne voulions pas être tués comme des moutons ».
Près de soixante ans après, Lanzmann réussit à rendre extraordinairement présent et vivant ce récit, qu'il filme les ruines ou les villes d'aujourd'hui. Rien n'est laissé au hasard dans le montage pour donner au témoignage toute sa puissance et à l'évocation du passé sa force pédagogique.
Shoah en DVD
Pendant un an, la Fnac propose en exclusivité « Shoah », de Claude Lanzman, en quatre DVD (9 h 10 au total), accompagnés d'un livre réunissant les entretiens filmés par l'auteur, préfacé par Simone de Beauvoir sous le titre « la Mémoire de l'horreur ». « Shoah », sorti en salle en 1988, a demandé onze ans de travail, dont cinq de montage. « Ce n'est ni un documentaire ni une fiction, commente Lanzman, j'appelle ça une fiction du réel. Il y a énormément de mise en scène dans "Shoah" ».
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