De notre correspondante
«LES PERSPECTIVES pour les patients atteints de leucémie myéloïde chronique ( LMC) ont été complètement transformées, déclare au “Quotidien” le Dr Brian Druker (Portland, Oregon), premier investigateur de l’étude IRIS. Avant l’ère du Glivec, les patients pouvaient s’estimer heureux s’ils vivaient cinq ans. Nous leur avons donné un futur bien plus prometteur.»
«Les principaux résultats de l’étude IRIS indiquent que, après 5ans, la survie globale est presque de 90% chez les 553patients randomisés pour recevoir le Glivec en traitement initial de la LMC; cette survie passe à 95% si l’on ne considère que les décès liés à la LMC, précise-t-il.
De plus, le risque de rechute montre une tendance à la baisse durant les 3dernières années. Dans la cinquième année de l’étude, moins de 1% des patients ont progressé de la phase chronique vers les phases plus avancées de la maladie. Cette tendance, jointe au faible risque de rechute, signifie que la possibilité de survie à long terme est de plus en plus probable. »
Une protéine à activité tyrosine-kinase permanente.
La LMC est caractérisée par l’expansion d’un clone de cellules hématopoïétiques qui hébergent une anomalie cytogénétique acquise, la translocation t (9 ; 22) ou chromosome Philadelphie (Phi). La translocation produit une fusion entre les gènes BCR et ABL, ce qui conduit à l’expression d’une protéine Bcr-abl possédant une activité tyrosine-kinase permanente, responsable de la survenue de la LMC. La mise au point de l’imatinib mésilate (Glivec, de Novartis), capable d’inhiber cette activité tyrosine-kinase, a transformé le pronostic de la maladie.
L’étude pivot IRIS (International Randomized Study of Interferon and STI 571), de phase 3, a comparé le Glivec au traitement de référence par interféron alpha et cytarabine.
Mille cent six patients en phase chronique de LMC, non encore traités, ont été enrôlés durant l’année 2000, aux Etats-Unis, en Europe (y compris en France) et en Australie.
Après randomisation, 553 patients ont reçu l’imatinib (400 mg/j par voie orale) et 553 ont reçu le traitement conventionnel de référence (interféron alpha et cytarabine).
Les patients sous imatinib qui n’avaient pas une réponse hématologique complète à 3 mois, ou dont la moelle osseuse contenait plus de 65 % de cellules positives pour le chromosome Phi à 12 mois, pouvaient bénéficier d’une majoration de la dose jusqu’à 800 mg/j. De plus, les patients étaient autorisés à changer de groupe thérapeutique : s’ils n’avaient pas obtenu une réponse hématologique complète après 6 mois ou une réponse cytogénétique majeure à 12 mois, s’ils avaient une rechute, ou encore s’ils ne pouvaient pas tolérer le traitement.
Les résultats à court terme, après 19 mois de suivi, avaient été publiés en 2003. Ils montraient la supériorité de l’imatinib, avec un taux élevé de réponses et une meilleure tolérance. Cette molécule est devenue le traitement de première intention de la LMC et un grand nombre de patients du groupe interféron ont opté pour l’imatinib.
Un taux de rechute à 5 ans de 17 %.
L’étude IRIS s’est donc transformée en une étude évaluant à long terme les résultats du Glivec dans la LCM en phase chronique. Les résultats à moyen terme, après un suivi moyen de 5 ans, sont publiés par Druker et coll.
L’analyse montre un taux de rechute à 5 ans de 17 %. Le taux de progression vers la phase accélérée ou la crise blastique, à 5 ans, est de 7 %. En outre, seulement 2 % des patients qui avaient, à 18 mois, une réponse cytogénétique complète et une réduction massive des transcrits bcr-abl ont évolué, à 5 ans, vers la phase accélérée ou la crise blastique.
Enfin, le taux de survie des patients prenant le Glivec dès que le diagnostic a été posé est de 89 % à 5 ans. Un taux supérieur au taux de survie à 5 ans conféré par l’association interféron-cytarabine, qui ne dépasse pas 70 % dans de précédentes études. Les effets secondaires graves (grade 3 ou 4 , neutropénie, thrombocytopénie, anémie, et autres) sont de moins en moins fréquents au fil du temps, apparaissant chez moins de 3 % des patients après la quatrième année.
«Il est actuellement recommandé que le traitement par imatinib soit continué indéfiniment», notent les investigateurs, qui évoquent des rapports anecdotiques de rechute à l’arrêt. La raison précise pour laquelle l’imatinib est incapable d’éradiquer le clone malin reste inconnue. Des études de deux nouveaux inhibiteurs de la kinase bcr-abl, plus puissants que l’imatinib – le dasatinib et le nilotinib –, donnent un taux élevé de réponses chez les patients qui rechutent sous imatinib.
« New England Journal of Medicine », 7 décembre 2006, p. 2408, Druker et coll.
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