La rencontre dédicace organisée par la revue Contact-Santé donnait la parole à Didier Tabuteau, conseiller d’État et responsable de la chaire Santé de Sciences Po pour la sortie de son livre : « Dis, c’était quoi la Sécu? ». Un ouvrage de fiction proposant un scénario catastrophe sur la disparition annoncée de la Sécurité Sociale « à la française », bâtie sur un principe de solidarité. « Nous sommes en 2025. La dépense de santé représente plus de 14 % du produit intérieur brut. Au rythme d’évolution des dépenses, la santé pourrait bientôt représenter 20 % de la richesse nationale. On évoque parfois avec nostalgie le « trou de la sécu » qui défrayait la chronique à la fin du siècle dernier. Un trou d’épingle ! Les plus anciens se remémorent l’assurance-maladie dont bénéficiaient leurs parents et grands-parents. ». Le ton est donné : au rythme où vont les choses, en 2025 notre système aura vécu et un quart de la population ne pourra plus se soigner.
« J’ai choisi de grossir le trait pour gagner en clarté, explique Didier Tabuteau. Le débat sur la Sécurité sociale est difficile à aborder : le sujet est technique et récurrent. Les évolutions actuelles sont insidieuses car elles se font petites touches : un demi-euro non remboursé par boîte de médicament, c’est peu de choses. En se plaçant en 2025, on voit l’aboutissement de cette politique des petits pas, et le scénario inéluctable vers lequel nous nous acheminons ».
Stricts protocoles.
Honoraires de médecine de ville totalement libres, privatisation des hôpitaux, couverture exclusive des pathologies lourdes… Le paysage décrit par Didier Tabuteau fait froid dans le dos car il est crédible !
Au-delà de la protection maladie, c’est toute l’approche de la santé qui, selon l’auteur, est en cours de mutation. « Nous allons passer d’une médecine des malades à une médecine des bien portants. Grâce aux progrès de la médecine prédictive, le système va s’acheminer vers la préemption des maladies… Ce qui annonce un avenir très sombre pour les hypocondriaques. »
À écouter Didier Tabuteau, les pratiques médicales vont se normaliser autour de protocoles de soins de plus en plus stricts, le temps médical va se réduire, du fait de la démographie, et l’usager sera de plus en plus responsabilisé… Au risque d’y laisser une partie de sa liberté. La tentation sera grande en effet de moduler l’assurance santé en fonction des comportements de chacun. « Nous ne sommes pas responsables de nos maladies » s’est insurgée une participante au débat souffrant de diabète.
Attachés à leur système de soins, les usagers ne veulent pas faire les frais d’une politique comptable. Mais ils n’échapperont pas, selon l’auteur, à une sérieuse augmentation des prélèvements. « Il n’y a aucune raison pour que les recettes et les dépenses soient identiques. Un fossé entre les deux est naturel. Ce qui est pathologique, c’est que ce fossé perdure et se creuse. Les dépenses vont continuer de croître dans les années à venir, jusqu’à représenter 14 ou 15 % de la richesse nationale. Si l’on veut préserver le système, il faudra augmenter les cotisations de 3 points… ou réduire les remboursements. »
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