DE NOTRE ENVOYEE SPECIALE
LUANDA, octobre 2006. Une ville du Sud en pleine reconstruction, avec ses embouteillages de 4x4 rutilants, ses bus bleus bondés de monde et ses camelots qui se faufilent entre les longues files de voitures pour proposer leur marchandise (montres, radios, chaussures, fruits, électroménager). La manne pétrolière est bien présente, et elle se voit, même si la présence de quelques amputés vient rappeler les mines, nombreuses en Angola, souvenirs des temps de conflit. Ancienne colonie portugaise, indépendante depuis 1975, l’Angola se relève de près de trente ans de guerre civile. L’accord de cessez-le-feu intervenu le 4 avril 2002 entre l’armée gouvernementale du Mpla (Mouvement populaire de libération de l’Angola) et l’Unita (Union pour l’indépendance totale de l’Angola) a mis un terme à un conflit qui a fait un demi-million de morts et près de quatre millions de personnes déplacées. Deuxième pays producteur de pétrole de l’Afrique équatoriale, l’Angola a peu à peu rejoint le groupe des pays les plus pauvres du monde. En dépit des apparences, la prospérité ne touche qu’un petit nombre, et les défis à relever sont immenses. Sur ce territoire de plus 1 246 700 km2, près de deux fois et demie la superficie de la France, la plupart des infrastructures sont à reconstruire. Selon un récent rapport du Pnud (Programme des Nations unies pour le développement), 70 % des 14 millions d’Angolais vivent dans la misère. L’indice de l’Institut international de recherche sur l’alimentation (Ifpri), calculé à partir des trois critères que sont le taux de malnutrition, la mortalité infantile et la part de la population qui souffre de déficience calorique, place l’Angola parmi les douze pays où la situation est la plus grave.
Pénurie de médecins.
La capitale a peu souffert de destructions – quelques impacts de balles témoignent pourtant des quelques jours de bataille qui ont secoué la ville –, mais l’afflux de la population y a été massif. «Durant le conflit, la province du Luanda est passée de 2millions à 5millions d’habitants. Parmi les réfugiés, peu sont retournés dans leur province d’origine», explique le Dr Vita Vemba, directeur provincial de la Santé. D’où la prolifération de l’habitat précaire, l’insalubrité, le manque d’infrastructures sanitaires, avec pour corollaire la réapparition de maladies épidémiques, comme la rougeole, la poliomyélite et, plus récemment, le choléra.
Depuis le mois de février, l’Angola connaît une flambée de choléra, qui touche 14 des 18 provinces du pays, avec près de la moitié des 50 000 cas (létalité de 4 %) enregistrés dans la capitale. «Les chiffres sont en baisse; aujourd’hui, 2 ou 3cas seulement sont recensés par jour», assure le Dr Vemba.
Cependant, la situation demeure préoccupante compte tenu de l’arrivée de la saison des pluies. Le directeur est inquiet : son budget de 2 millions de dollars par an semble bien maigre en regard des défis à relever. «Il nous en faudrait 10», soupire- t-il, espérant que la hausse du prix du baril de pétrole de 25 à 75 dollars permettra une meilleure répartition de l’effort financier.
Au manque de ressources s’ajoute la pénurie de médecins et d’agents de santé. «L’Angola ne compte que 8médecins pour cent mille habitants, et la plupart d’entre eux sont concentrés dans la capitale», poursuit-il. Avec 60 médecins seulement qui sortent de la faculté de médecine chaque année, dont la plupart s’engagent dans les services de l’Etat, l’équation à résoudre est insoluble.
Le pays est obligé de faire appel à des médecins étrangers : après Cuba, qui s’est aujourd’hui désengagé, ce sont la Chine, le Brésil ou encore la Bulgarie ou la Corée qui fournissent les plus gros bataillons de docteurs en médecine (40 % des 800 médecins recensés dans le pays). A l’inverse, «nous avons dû fermer l’école d’infirmières au profit d’une école technique de professionnalisation d’agents de santé», souligne le Dr Vemba, car si le reste du pays souffre d’un manque d’infirmiers, ils sont 16 000 pour la seule province du Luanda.
Surveillance des maladies transmissibles.
Le Dr Fatoumata Binta T. Diallo, représentante de l’OMS en Angola, fait le même constat : «C’est au cours de l’épidémie de Marburg qui a touché la province d’Uige que nous avons mesuré l’ampleur des dégâts, l’insuffisance des ressources humaines et le manque de préparation du système de santé.» La flambée de fièvre hémorragique de 2005 a touché 374 personnes, la plupart à Uige, dans le nord-est du pays, avec un taux de létalité de plus de 90 %. L’effort a été sans précédent pour tenter d’enrayer et de circonscrire l’épidémie, impliquant le ministère de la Santé angolais, l’OMS, les CDC américains, des ONG et les compagnies pétrolières comme Total, qui a d’abord répondu à l’urgence en acheminant des médicaments et des équipements vers les zones touchées, puis du matériel de bioprotection et des manuels de formation pour les équipes de santé au contact des populations.
L’entreprise a ensuite participé à la formation de médecins et d’infirmiers pour mieux assurer la surveillance épidémiologique : organisation du dépistage précoce des fièvres hémorragiques, mais aussi du paludisme, du sida et de la maladie du sommeil. L’appel du Dr Diallo est clair : «Il est essentiel que ce type de partenariat se poursuive et que les entreprises apportent leur savoir-faire dans la constitution d’un système intégré de surveillance des maladies transmissibles.»
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