NICOLAS SARKOZY, à la tribune de l'ONU, a parlé d'or. Au sens propre comme au figuré. Il faut, a-t-il dit, que les responsables de la crise soient châtiés. Pas de problème, semble lui répondre la justice américaine, qui a lancé le FBI, la police fédérale, aux trousses des spéculateurs. Le problème vient du système lui-même : un spéculateur qui gagne de l'argent est un grand homme ; celui qui perd une fortune est un salaud, parce qu'il perd aussi l'argent des autres. En outre, il travaille dans un anonymat presque parfait ; il se niche au fond d'un écheveau de sociétés. Il a plusieurs identités. Mais on trouvera toujours, aux États-Unis, un procureur assez tenace pour démasquer les coupables. En temps voulu, les Américains feront le ménage et ils l'auraient fait, même si M. Sarkozy ne le leur avait pas demandé.
La réponse est urgente.
En temps voulu, cela signifie plus tard, beaucoup plus tard. Alors que la crise nécessite d'urgentes et radicales réponses. Le plan préparé par les autorités financières américaines sous la tutelle du président Bush a été salué par l'Europe et par tous les experts. Pourquoi ? Parce que, si on veut rétablir le calme sur les marchés avant de passer à ce qu'on appelle une « crise systémique », c'est-à-dire un effondrement du système qui nous ruinerait tous, il faut extraire du circuit financier toutes les dettes insolvables.
Dans cette affaire, nous sommes tous les victimes d'un laxisme excessif du crédit qui nous coûtera cher de toute façon : le loyer de l'argent sera de plus en plus rare et probablement plus élevé, la croissance plus lente et peut-être nulle. Mais cette perspective est la meilleure des deux ; l'autre menacera les comptes en banque, l'épargne, l'assurance-vie, et pas seulement les actionnaires.
SAUVER LE SYSTEME, C'EST SAUVER AUSSI LES IMBECILES OU LES CRAPULES QUI L'ONT DETRUIT
Nous voilà donc tous liés, en Europe, au destin américain. Dans ces conditions, les hésitations du Congrès risquent d'aggraver sensiblement la crise. Les parlementaires américains soulignent qu'il y a des élections générales le 4 novembre prochain et que leurs électeurs sont furieux de ce qu'on exige d'eux, 700 milliards de dollars pour payer les fautes de quelques fous ou escrocs. Les contribuables américains devraient toutefois songer à ce qu'il leur arrivera s'ils ne paient pas leur écot.
D'autant que personne ne leur demande un chèque. L'Amérique va simplement se livrer à une énorme création de monnaie, en augmentant la dette publique, qui passera à plus de 70 % du PIB, proportion moins élevée que celle du Japon, mais plus élevée que celle de la zone euro. Contenu à l'heure actuelle à 3 %, le déficit budgétaire des États-Unis va augmenter sensiblement, peut-être à 7 %, peut-être plus, si l'activité économique stagne.
M. Sarkozy a exposé sa philosophie : il réclame une réforme du capitalisme, dont le moins qu'on puisse dire est qu'il doit être surveillé et régulé, et dont les acteurs doivent être comptables de leurs méfaits. On ne peut que l'approuver, et le président français aura obtenu une large approbation aux États-Unis, où les gens ne sont pas moins scandalisés que lui. La crise financière pèse plus sur les républicains au pouvoir que sur les démocrates dans l'opposition ; confusément, les électeurs pensent que tout ça, c'est la faute de Bush, de sorte que le candidat Barack Obama améliore sa cote dans les sondages pendant que l'image du ticket McCain-Palin, qui a soulevé l'enthousiasme des foules conservatrices, commence à se détériorer.
Tous nuls.
Quoi qu'il en soit, le sentiment général, en Amérique et en Europe, c'est que, décidément, les gouvernants ne voient jamais rien venir et que si gouverner, c'est prévoir, alors ils sont tous nuls. Quel spécialiste de la finance a prédit la gravité de cette crise ? À quoi servent les G8 et autres Davos si on s'y contente de constater ce qui se passe sans jamais prendre des décisions de nature à renforcer la croissance ou à empêcher des cataclysmes ? Même si le plan de sauvetage américain est adopté, les conséquences de la tourmente, sans précédent depuis 1929, seront terribles : d'abord, les plus pauvres vont trinquer parce que les solidarités nationales vont s'ajuster au niveau des moyens (qui vont diminuer ou disparaître ) ; ensuite, les retraités auxquels on n'a cessé de répéter qu'ils devaient constituer une pension s'ajoutant à celle que versent les organismes sociaux risquent de perdre de l'argent, sinon tous leurs avoirs ; enfin, les épargnants auxquels on tient le même discours seront dégoûtés de faire des économies qui non seulement ne rapportent pas, mais peuvent partir en fumée.
C'est la raison pour laquelle personne n'a vraiment envie de sauver le système ; le plan américain sauvera aussi les imbéciles ou les crapules qui l'ont détruit et risquent de ruiner des millions de personnes, au même titre qu'un ouragan ou qu'un incendie.
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