L ES syndicats de salariés et de médecins signataires de la plate-forme du « G7 » doivent s'attendre à affronter les critiques de ceux qui jugeront exorbitant le coût des mesures qu'ils proposent.
Bien que le « G7 » n'ait fourni aucun chiffrage des mesures qu'il préconise, il est possible d'évaluer le coût direct de cette réforme. Un coût qui résulte essentiellement de la forte revalorisation des honoraires médicaux envisagée - une revendication capitale aux yeux des médecins et de nombreux experts qui jugent notoirement sous-évalué le tarif des actes médicaux - et de l'augmentation du taux de remboursement des actes médicaux qui passerait de 70 à 90 % - une mesure chère aux syndicats de salariés.
Pour la seule consultation des généralistes, dont il est prévu de porter le tarif de 115 à 196,79 francs (30 euros) et le taux de remboursement de 70 à 90 %, le projet de réforme du « G7 » aurait un impact financier considérable. Même en prenant en compte le fait que les tarifs servant de base aux remboursements ne seraient pas augmentés pour les généralistes actuellement en secteur II et resteraient fixés à 115 francs et qu'une consultation sur cinq est déjà remboursée à 100 %, les remboursements à la charge de l'assurance-maladie doubleraient presque, puisque, sur la base des données disponibles, ils s'élèveraient à 32 milliards par an, au lieu de 16,7 à l'heure actuelle.
Pour la consultation des spécialistes (CS), les signataires de l'accord n'indiquent pas le tarif qu'ils jugent souhaitable. En tout état de cause, le prix de cette consultation ne saurait être inférieur à celui de la consultation du généraliste (196,79 francs) et le CS serait également remboursé à 90 %. Dans cette hypothèse, l'impact financier pour l'assurance-maladie serait d'environ 3 milliards par an. Pour les autres actes des médecins libéraux (visite, actes en K, en Z, etc.), le « G7 » n'évoque aucun tarif. En revanche, il souhaite que le taux de remboursement soit progressivement porté, là encore, à 90 %. Sur la base des données 2000, le surcoût de cette amélioration de la prise en charge serait d'une dizaine de milliards.
En tout, le coût direct annuel des mesures préconisées par les salariés et les médecins approcherait donc une trentaine de milliards. Un montant considérable, qui se traduirait par une augmentation de près de 50 % des sommes que l'assurance-maladie consacre au remboursement des honoraires médicaux (64 milliards en 2000). La mise en uvre de ces mesures exigerait une réévaluation d'un peu plus de 4 % de l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM).
Les arguments des syndicats
Le « G7 » n'ignore pas les critiques que soulèvera l'aspect financier de son plan, tant à la CNAM qu'au gouvernement. Mais les syndicats de salariés et de praticiens font valoir que, d'une part, un système de santé de qualité a un prix et que, d'autre part, ce surcoût doit être considéré comme un investissement qui sera rentable à terme, dans la mesure où il entraînera des économies.
« Le surcoût lié à la hausse du tarif de la consultation serait compensé en partie par une baisse du nombre des consultations », fait ainsi remarquer le responsable d'un syndicat médical. Argument recevable, mais qui aurait été sans doute plus convaincant aux yeux des pouvoirs publics si les signataires avaient proposé un système de limitation du nombre d'actes. Certains syndicats médicaux n'y étaient pas hostiles et la Fédération des médecins de France a indiqué, à plusieurs reprises, qu'elle était favorable à des engagements de limitation du nombre d'actes des médecins en échange d'une revalorisation substantielle de la consultation. Mais les signataires n'ont pas voulu aller aussi loin dans leur document.
Le seul élément permettant d'apprécier les liens entre tarif de l'acte médical et nombre d'actes est l'analyse des statistiques concernant les médecins du secteur à honoraires libres. Les généralistes du secteur II qui pratiquent un dépassement moyen de l'ordre de 35 % (ce qui porte le tarif moyen de la consultation à 155 francs) ont effectivement une activité inférieure à celle de leurs confrères en secteur I : 3 081 consultations par médecin en 1998 (contre 3 674 pour le généralistes en secteur I). La différence est moins nette chez les spécialistes (2 298 consultations en secteur II contre 2 143 en secteur I).
Responsabiliser les médecins
Les membres du « G7 » peuvent également faire valoir qu'en s'engageant dans la voie d'une médecine plus lente, en échappant à la spirale de l'inflation du nombre d'actes, les médecins pourraient dispenser une médecine d'une plus grande qualité, porteuse à terme d'économies. « Une meilleure responsabilisation des médecins engendrera une augmentation de la qualité, une baisse de prescriptions et du volume des actes », souligne le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux.
Dans le même ordre d'idées, les signataires avancent un autre argument plus politique : en rémunérant à sa juste valeur la consultation du généraliste, on favorise l'adhésion de praticiens à un système de maîtrise médicalisée des dépenses qui, dès lors, portera ses fruits.
Enfin, du côté des syndicats de salariés, on reprend le discours traditionnel selon lequel si l'Etat ne faisait pas payer à la Sécurité sociale des « charges indues », représentant, selon eux, plusieurs dizaines de milliards, l'assurance-maladie aurait largement les moyens de financer une telle réforme.
C'est un pari que les signataires du document proposent aux pouvoirs publics : celui qui consiste à mettre en uvre une réforme dont le coût est aisément chiffrable, mais dont les résultats sont moins facilement évaluables. Les pouvoirs publics accepteront-ils d'entrer dans ce jeu ? Le « G7 » mise sans doute sur le désarroi dans lequel se trouve actuellement le gouvernement à propos de la politique de maîtrise des dépenses d'assurance-maladie. Puisque tout a échoué, pourquoi les pouvoirs publics refuseraient-ils de reprendre notre démarche ?, font-ils remarquer. Il n'est pas certain qu'ils soient suivis.
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