CLASSIQUE
C'est chez le marquis de Cuevas que débuta en France Rudolf Noureev qui venait de choisir à grand bruit la liberté, avant d'être l'enfant chéri du « Royal Ballet » de Covent Garden puis de celui de l'Opéra de Paris. Ce dernier ne pouvant l'engager, par respect diplomatique envers l'URSS, le marquis de Cuevas, dont la compagnie était américaine, lui proposa « la Belle au bois dormant », grand triomphe alors des ballets Cuevas au théâtre des Champs-Elysées. Il ne resta pas longtemps dans ce court rôle de l '« Oiseau bleu » et alterna vite dans celui du prince avec Serge Golovine. On connaît la suite.
Parmi les quelques ouvrages qui ont rendu hommage à Noureev à l'occasion du dixième anniversaire de sa mort, largement fêté dans le monde entier, on en retiendra deux.
« Rudolf Noureev à Paris » est un album qui retrace, principalement en photos en noir et blanc et fiches chronologiques, la carrière du danseur et du chorégraphe à l'Opéra de Paris. Les photos sont enrichies de textes rédigés par des collègues et par les Etoiles qui ont travaillé avec lui. Quelques fiches techniques illustrent les ballets dont il a réglé chorégraphie et mise en scène dans ce théâtre. Un très bel instrument pour découvrir essentiellement le travail parisien de Noureev (1).
Le « Noureev » de Bertrand Meyer-Stabley est une biographie complète de l'artiste, rédigée par un professionnel du genre ayant déjà publié de nombreux ouvrages allant de Soraya à Bernadette Chirac (2). Du sérieux travail quant à la documentation, peu mais bien illustré, et qui a le mérite de rester à distance, de ne pas trop prendre parti. L'épisode crucial du choix de la liberté du danseur lors d'une tournée mondiale du Kirov, à l'aéroport de Bourget le 11 mai 1961, est raconté avec talent, offrant au lecteur le suspens tel qu'il a dû réellement exister en cette journée mémorable. Bertrand Meyer-Stabley ne se complaît pas trop dans la description des frasques sexuelles de Noureev, ce qui est souvent le travers des biographes, mais raconte ce qui est effectivement un élément important de compréhension de sa personnalité tout à fait extraordinaire. Y manque un peu le vécu, l'auteur n'ayant manifestement jamais fait partie de l'entourage du danseur, ce qui est aussi une garantie d'impartialité. Néanmoins, une très bonne approche, et une des premières en langue française - l'essentiel de la bonne littérature noureevienne étant en anglais et le « Noureïev » de Diane Solway étant conseillé sans hésitation à qui voudra approfondir l'étude de la vie tout à fait singulière d'un des derniers génies de la danse.
Noureev encore, cette fois au cur d'un des romans de cette dernière rentrée littéraire, avec « Danseur », de Comum McCann, qui est déjà, deux mois après sa sortie internationale, un des plus gros tirages du moment.
Son auteur a probablement épluché tout ce que l'on peut trouver sur ce sujet inépuisable, très bien digéré le tout et en a tiré un roman fascinant. Malgré toutes les préventions que l'on ait pu avoir avant d'ouvrir ce livre, sur le procédé, sur l'impossible distance entre fiction et biographie s'agissant d'un « mythe » mort il y a seulement dix ans, il faut bien avouer que l'on a rendu les armes.
Tout le talent de McCann réside dans l'art d'avoir réussi une mosaïque, un superbe collage avec des épisodes très contrastés de la vie de Noureev, parfois condensé plusieurs personnages en une seule personne plus significative et d'avoir su tisser un fil conducteur, celui-là même qui tient le lecteur en haleine de la première à la dernière page.
La peinture de l'Oural glacé et des troupes soviétiques résistant à l'invasion allemande, celle d'Oufa, ville natale du danseur et de la misère consécutive à la guerre dans laquelle s'est forgé le personnage qui allait devenir une force de la nature, comme on n'en voit qu'une par siècle, sont simplement magistrales. Très forte aussi l'évocation du New York des années présida dans lequel évolua Noureev, voguant entre les réceptions au sommet des riches et des puissants de l'époque et les tout aussi légendaires bas-fonds de la ville. Même si les ficelles s'y montrent un peu trop - et pourquoi pas si le résultat est bon - le livre de Colum McCann est un précédent qui marquera.
(1) Editions de La Martinière. 120 pages, 25 .
(2) Payot. 292 pages, 17 .
(3) Belfond. 370 pages, 19,50 .
Noureev SUR DVD
Quelques DVD rendent compte de l'art de Rudolf Noureev. Ceux qui ne l'ont jamais vu danser - ils sont chaque jour plus nombreux - pourront, grâce à l'image, assouvir cette absolue nécessité.
Récemment a été reporté sur DVD le documentaire « Noureev, ombres et lumières » réalisé en 1997 par Teresa Griffith pour NVC Arts/Warner. Ce document traite des dernières années de sa vie, celles de l'Opéra de Paris, celles de la maladie qui l'emporta avec les témoignages de collègues comme Patrice Bart, Laurent Hilaire, Elisabeth Platel, Charles Jude et aussi de personnalités comme Jack Lang et le Dr Michel Canesi.
Autre document édité par Naïve, celui de Patricia Foy qui comporte de nombreuses images d'archives.
On retrouvera aussi Noureev dans ses années russes et « the Glory of the Kirov » chez NVC Arts, dans le fameux pas de deux du « Corsaire » avec Alla Sizova de 1958 et dans le pas de six de « Laurencia » avec Ninel Kurgapkina de 1959. Pour le voir dans des ballets intégraux, deux documents sont disponibles. Un « Casse-Noisette » du Royal Ballet de Covent Garden de 1968 : production très poussiéreuse et peu inventive, chorégraphie signée Noureev et partenaires assez obscurs. Mais pour le pas de deux final avec la timide Merle Park, il mérite d'être archivé (Pionner distr. Loreley).
« La Belle au Bois dormant » avec le Ballet national du Canada, qui doit dater des années soixante-dix (l'éditeur GCB Média distr. Loreley ne s'encombre pas du moindre livret), la seconde de la carrière du chorégraphe Noureev après la Scala de Milan en 1960, mérite davantage d'être acquise. Le danseur y est un prince Florimond admirable de style, de grâce et de virtuosité, et la production, même si elle n'est pas du meilleur goût en ce qui concerne les décors, est pour le moins fidèle à Petipa. On mesure la distance avec ce qu'il réalisera à Paris quand il aura enfin trouvé des décorateurs de génie comme Ezio Frigerio.
Ces productions, dont l'Opéra de Paris aujourd'hui fait son fond de répertoire (qui d'autre pourrait les remplacer ?), sont également disponibles sur DVD chez NVC Arts et TDK. Vient d'être édité un documentaire sur « Raymonda » de 1999 avec Fanny Gaïda, Marie-Claude Pietragalla, Elisabeth Platel, Claude de Vulpian et Noëlla Pontois (TDK, distr. Intégral). « Don Quichotte », également, avec une équipe plus jeune (Aurélie Dupont, Manuel Legris et Laurent Queval), filmé en 2002, et un documentaire sur « Roméo et Juliette » avec Elisabeth Maurin, Manuel Legris et Kader Belarbi (TDK, distr. Integral).
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