Prise de poids à la ménopause : Une loterie
« La prise de poids à la ménopause n’est pas une fatalité, c’est une loterie », selon le Pr Christian Quereux. Une femme sur deux grossira d’une dizaine de kilos entre 45 et 55 ans mais la ménopause n’est pas forcément l'élément déclenchant. Elle est plutôt contemporaine du passage de la minceur à un surpoids et corrélée à la préexistence de l'excès pondéral et à la diminution de l'activité physique.
Dès 45 ans, soit dès la périménopause, la thermogénèse au repos chute de 4 à 5 % tous les 10 ans. Cela signifie qu'une baisse de 5 % induit une rétention calorique d'environ 20 000 K cal/an. Or un déséquilibre de 5 % entre l'énergie absorbée et celle dépensée peut se traduire par 1,5 kilo annuel. Attention cependant à vérifier par un dosage de la TSH à la cinquantaine la présence éventuelle d’une hypothyroïdie, fréquente à cet âge et souvent révélée par une prise de poids.
La silhouette évolue et peut entraîner un risque de dépression
« La prise de poids facultative s'inscrit dans une modification plus générale de la silhouette par redistribution des graisses. Elles ont tendance à quitter la région fémoro-fessière pour gagner l'abdomen, détaille Christian Quereux. Ceci est lié à la cessation de fonction de la lipoprotéine lipase (LPL), estrogène dépendante. Il s'ensuit une augmentation de la masse grasse abdominale avec une modification du rapport du tour de taille / tour de hanche ».
Ces modifications contribuent à une dévalorisation fréquente chez la femme à la ménopause avec des conséquences psychologiques négatives sur l’estime de soi. En outre, « la crise existentielle, perte du pouvoir de séduction, parents malades, nid vide, problèmes de santé, peut être en soi un facteur déclenchant de troubles du comportement alimentaire et d'augmentation de la ration calorique », analyse Christian Quereux.
THM : pour quelles femmes ?
« Depuis 2002, on a pris du recul sur le THM, constate Christian Quereux. Les femmes traitées aujourd’hui le souhaitent vraiment, ont de réelles souffrances. Je leur pose la question : pensez-vous que votre symptôme mérite un traitement ? Nombreuses sont celles, lorsqu’elles ont peu de symptômes, qui ne le jugent pas utile. La solution se trouve alors plus dans l’écoute que dans le médicament ».
Il existe des conditions au THM : prescrire à la dose minimale efficace (sauf lorsque l’indication est osseuse), tant que durent les symptômes et après avoir impérativement averti la patiente du bénéfice à attendre de ce type de traitement mais surtout des risques connus. Ces risques sont, au final, limités : 8 / 10 000 cas de cancer du sein / an et 18 accidents thromboemboliques / 10 000 femmes / an. La prescription préférentielle de la voie percutanée pour les œstrogènes et la progestérone naturelle permet de diminuer les malchances vasculaires et cancéreuses.
L’enquête sur le risque fracturaire
La consultation à la cinquantaine est aussi le moyen de cibler les patientes à risque d’ostéoporose : 30 à 40% des plus de 50 ans ont au moins un facteur de risque et l’ignorent.
Lorsque l’enquête révèle des antécédents familiaux ou personnels de fracture ou tout autre facteur de risque classique, il est logique de prescrire une ostéodensitométrie, alors remboursée.
En cas de cohabitation d’une ostéopénie et d’un syndrome climatérique ou encore un risque fracturaire élevé avec une intolérance ou une contre-indication aux traitements préventifs de l'ostéoporose, les THM sont indiqués. En l’absence de trouble du climatère, il existe plusieurs traitements de l’ostéoporose en prévention fracturaire d’efficacité sensiblement comparable : les bisphosphonates, dont l’originalité réside en leur mode d’administration hebdomadaire, mensuel ou annuel et le ranélate de strontium. Ils peuvent être prescrits dans toutes les situations d’ostéoporose. Le raloxifène est à privilégier chez celles ayant un risque de fracture périphérique faible (avant 70 ans) où à risque de cancer du sein.
Chez les plus de 80 ans, le ranélate de strontium, avec le risédronate sont les deux molécules de première intention. Le tériparatide reste la molécule d'exception de l'ostéoporose postménopausique avec au moins deux fractures vertébrales.
Pouvoir modifier ses règles et rythmes de vie, un pas capital
Calcium :
La population féminine est loin des Apport Nutritionnels Conseillés. Entre 55 et 65 ans, les ANC de 1200 mg / jour sont respectés par 67,6 % des femmes. Le GRIO évalue à 1000 mg quotidiens les besoins en calcium de 50 à 60 ans sous THM, 1500 mg sans THM et après 65 ans. Il conseille dans l'idéal quatre produits laitiers par jour, apportant chacun 200 mg de calcium et de boire une eau riche en calcium. Attention à la perte de calcium dans les urines, obligatoire quand les apports salés sont excessifs (c’est à dire plus de 150 mmol, soit 8,5 g de sel). Les excès de viande et de café aussi entraînent une fuite urinaire de calcium.
Vitamine D : Une heure par jour, tête et bras nus
Il est inutile de s'exposer des heures au soleil pour prévenir la carence en vitamine D. En revanche l'excès de protection (chapeau, manches longues, etc.) est certainement une cause de carence en vitamine D, qui concerne les deux tiers des plus de 50 ans. Les facteurs de risques sont très largement modifiables: carence en exposition solaire sans supplémentation en vitamine D, manque d’activité physique et intoxication tabagique. Lorsqu'elle n'est pas possible ou pas suffisante, une prescription de vitamine D à doses physiologiques peut être utile l'hiver. La National Osteoporosis Foundation préconise un apport journalier de 800- 1 000 Ul de vitamine D3.
Exercice physique
Il joue un rôle crucial pour prévenir l'ostéoporose. La course à pied renforce notamment les os « porteurs » Dès la périménopause, exercer une activité physique réelle, sérieuse, au rythme de deux à quatre heures hebdomadaires.
Adapter son alimentation
Trois à quatre repas sont recommandés chaque jour avec des menus variés pour se faire plaisir. Réintroduire les sucres lents, limiter toutes les graisses pour des apports estimés aux alentours de 2 000 Kcal, les acides gras saturés au profit des insaturés et le cholestérol alimentaire (< 300 mg/j), encourager la consommation d'acides gras n-3 à longues chaînes, de fruits et légumes et produits céréaliers (antioxydants et fibres), modérer l’apport sodé (<6 à 8 g/j) et la consommation d’alcool < 3/j équivalents verres de vin.
Quant à l’alcool et au tabac, ils agissent directement et négativement sur les ostéoblastes.
A la cinquantaine, faire un bilan de prévention cardiovasculaire
« Après 60 ans, la fréquence des accidents cardiovasculaires augmente très nettement chez les femmes et rattrape celle des hommes du même âge. Faire le point à la cinquantaine est une étape logique parce que sans symptôme, on ne voit pas ces femmes en consultation. Evaluer les facteurs de risque cardiovasculaire (antécédents familiaux de maladie coronarienne précoce, HTA, diabète traité ou non, syndrome métabolique, obésité abdominale, insuffisance rénale chronique, tabagisme, sédentarité avérée par moins de 3 fois 30 mn d'exercice/semaine) et prescrire un dosage du cholestérol total et triglycérides. Toutes les personnes sans aucun facteur de risque dont le LDL-c est supérieur à 1,60 g/l (4,1 mol/l) doivent recevoir une prise en charge diététique, ainsi que tous ceux qui ont au moins un facteur de risque.
La sexualité ne s’arrête ni avec l’âge, ni avec la ménopause
Un grand nombre de femmes conserve un désir sexuel intact, voire majoré après la ménopause, à condition de ne pas être déprimées et de trouver les bons partenaires. « Il me paraît important de faire la distinction entre une sécheresse vaginale et un trouble du désir, explique le Dr Anne Charbonnel-Masse, gynécologue médicale, sexologue (Reims). Selon mon expérience, 40% des troubles de la fonction sexuelle sont dus à des méconnaissances, des idéologies, des croyances, comme par exemple : « je ne suis plus désirable car j’ai pris trois kilos »… Il faut écouter ces femmes dont le besoin est parfois seulement de s’exprimer à propos d’une simple difficulté et non d’un problème nécessitant un traitement.
En dehors des traitements locaux (lubrifiants, ovules) et du THM qui peuvent être utiles, peu de molécules sont vraiment efficaces. Des essais cliniques sont en cours avec la flibansérine qui agit sur les récepteurs de la sérotonine et la substitution androgénique, réservée à celles qui, ayant subi une ovariectomie bilatérale et une hystérectomie, se plaignent de troubles de la libido. »
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