DE NOTRE CORRESPONDANTE
C'EST UNE ENQUÊTE rare en France qui a été lancée dans le Rhône, puisque le dernier travail épidémiologique de ce type, réalisé en Gironde, remonte à 1988. Le président de l'Union nationale des associations des familles de traumatisés crâniens, Jean Barucq, qui assistait à la présentation des premiers résultats à six mois, a confirmé qu'il attendait beaucoup de cette étude : «Nous sommes une communauté en souffrance et nous avions demandé à cor et à cri qu'une étude épidémiologique de ce type soit menée.»
Piloté par le Dr Martine Hours, épidémiologiste dans l'unité mixte de recherche épidémiologique et de surveillance transport travail environnement (Umrestte*), ce travail se propose de suivre cinq années durant 1 073 adultes et 300 enfants accidentés de la route. Une cohorte qui, selon le Dr Hours, est tout à fait représentative de la population habituelle d'accidentés en France, puisque les victimes sont de sexe masculin dans 62 % des cas, plutôt âgés de 20-50 ans, et que c'est un déplacement privé qui, dans 73 % des cas, est en cause. Les conducteurs de cette cohorte de 18 à 29 ans ont un sur-risque d'accident de la route, notamment le week-end, comme c'est le cas des jeunes en général. En revanche, dit l'épidémiologiste, «nous ne notons pas d'excès d'accidents lié au fait d'être âgé».
Une consultation intégrative ?
Six mois après l'accident, 50 % des blessés légers, 69 % des « modérés » et 89 % des graves disent avoir toujours des douleurs. Les accidents sont aussi source de rupture avec le milieu professionnel ou les études : parmi les 67 % de victimes qui avaient un emploi avant l'accident, 88 % ont eu un arrêt de travail après. A six mois, 10 % des blessés modérés et 50 % des blessés graves n'avaient pas repris leur travail. De même, sur les 104 étudiants de la cohorte, cinquante-deux n'avaient pas repris leurs études. A contrario, tous les enfants avaient retrouvé le chemin de l'école. Mais le principal enseignement de l'étude est que, après l'accident, puis éventuellement la rééducation, «les victimes ont l'impression d'avoir un suivi morcelé ou uniquement médical», souligne Martine Hours. Elle suggère déjà la mise en place d'une «consultation intégrative, proposant une prise en charge globale».
Ces données incitent donc à poursuivre l'enquête. Laquelle a bénéficié d'un premier soutien financier du ministère des Transports, dans le cadre du programme de recherche, d'expérimentation et d'innovation dans les transports terrestres (Predit), et du ministère de la Santé via deux programmes hospitaliers de recherche clinique (Phrc). Mais «nous n'avons pas l'argent nécessaire pour poursuivre l'étude au-delà d'une année», a annoncé Martine Hours. L'aboutissement de ces travaux, uniques en France, semblerait pourtant nécessaire, ne serait-ce que pour réadapter les politiques de prévention et améliorer l'indemnisation des victimes.
* L'Umrestte est une unité mixte Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets)-université Claude-Bernard Lyon-I (Ucbl)-Institut de veille sanitaire (InVS) créée en juillet 2004. L'ensemble des recherches menées à l'Umrestte est à visée sociétale ; son quasi-monopole, en France, en matière d'approche épidémiologique de l'insécurité routière, lui fait jouer un rôle fédérateur au plan national. www.inrets.fr/ur/umrestte/.
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