REFERENCE
Marche athlétique : pose du pied et les lésions du jambier antérieur
Bien que peu fréquentes, les lésions du jambier antérieur existent et sont essentiellement rencontrées chez le sportif vieillissant. En effet, parmi les circonstances favorisantes, on retrouve l'âge et les facteurs mécaniques (liés au terrain : course à pied, marche en montagne sur terrain irrégulier - surtout en descente -, pratique du ski en poudreuse, laçage trop serré des chaussures de footing...). Ces lésions sont dues soit à une hypersollicitation, soit à un conflit dans la gaine. On peut donc rencontrer des lésions de ténosynovites, de tendinopathies (nodulaires, d'insertion, voire fissuraires) et, au terme ultime, des ruptures tendineuses. L'interrogatoire retrouvera les habitudes sportives du patient et les techniques de course, l'âge entre 45 et 50 ans, l'apparition progressive des douleurs, une anomalie du pied lors de la phase d'appui, une durée d'évolution sur plusieurs mois. Pour les souffrances tendineuses, on note deux points essentiels : l'existence d'une douleur qui siège sur les faces antérieure de la cheville et antéro-interne du coup de pied, pouvant irradier le long de la crête tibiale et entraîner un steppage, ainsi qu'une palpation douloureuse du tendon qui permet de faire le diagnostic lésionnel. A un stade de début, seules les manuvres dynamiques sont positives. Quant au diagnostic de rupture (douleur en éclair, disparition de la corde du tendon en flexion dorsale, steppage...), il est très facile si la lésion est évoquée.
Bien que le diagnostic soit surtout clinique, il convient de demander dans tous les cas un bilan radiographique de la cheville et un déroulé interne à la recherche d'une pathologie articulaire sous-jacente, d'une calcification sur le trajet du tendon ou au niveau de son insertion distale.
L'évolution est souvent longue et récidivante, pouvant aboutir à la rupture du tendon. Le traitement est essentiellement représenté par le repos. Les infiltrations locales de corticoïdes gardent leur indication à condition d'être suivies d'un arrêt pendant trois à six semaines, même si la symptomatologie disparaît rapidement. Les ruptures sont chirurgicales chez le sportif et il faut penser à la synovectomie dans les ténosynovites résistantes au traitement médical. Le résultat après chirurgie est bon, à condition de savoir patienter.
Ski : rotation externe du pied et lésion de la syndesmose tibio-fibulaire inférieure
Les lésions isolées de la syndesmose tibio-fibulaire inférieure sont rares mais non exceptionnelles et surtout méconnues, car trop souvent confondues avec une entorse du ligament collatéral latéral. Le diagnostic doit être évoqué devant tout traumatisme de la cheville et recherché dans le cadre de l'examen complet et programmé. Cette lésion s'observe essentiellement dans les sports de neige (ski alpin ou surf) et de ballon (football américain, football et rugby). Toutes les séries s'accordent pour retrouver un mécanisme de rotation externe en flexion dorsale du pied. En ce qui concerne les sports de neige, il peut s'agir d'un mécanisme non appuyé : enfourchage de piquet lors d'un slalom ou heurt d'un obstacle, l'ensemble ski-chaussure étant entraîné en rotation externe. Lors de la pratique du surf, surtout en position « regular », la lésion touche la jambe avant chez les pratiquants utilisant des chaussures de ski et des fixations à étrier. La lésion de syndesmose se produit soit au déclenchement du virage en « front side » si la spatule se plante dans la neige, soit si, dans son élan de survirage, le surfeur se retrouve les deux genoux dans la neige, le surf planté sur le champ.
Les signes fonctionnels sont variables, selon le degré de gravité de la lésion. La douleur siège au niveau de la face antéro-externe de la cheville mais irradie vers le ties inférieur de l'espace tibio-fibulaire ; elle est présente à l'appui, mais disparaît presque toujours en décharge. L'impotence fonctionnelle est très variable, allant d'une simple gêne à une impotence totale. L'inspection de la cheville montre un empâtement de la région antérieure, s'étendant vers la face latérale au-dessus des plis de flexion, mais sans atteindre les régions pré- et sous-malléolaires latérales. Quant à la palpation, elle permet de retrouver une douleur provoquée à la palpation de l'interligne tibio-fibulaire et sur le bord antérieur de la malléole latérale, mais à 4 ou 5 cm de sa pointe. A ce stade, au moindre doute, l'examen radiologique s'impose à la recherche d'une fracture notamment malléolaire. Les radiographies standards peuvent permettre de visualiser directement la lésion sous la forme de l'arrachement osseux de l'insertion du ligament tibio-fibulaire antérieur et inférieur (LTFA), ou celui du tubercule postérieur ; rarement la vision est indirecte sous la forme d'un diastasis tibio-fibulaire. L'échographie est l'examen le plus simple et le plus performant, montrant le LTFA sous forme d'un faisceau hétérogène, épaissi et qui perd le caractère régulier de ses bords. La tomodensitométrie intervient dans la décision thérapeutique en mettant en évidence une fracture-arrachement de l'insertion d'un des deux LTF et en en précisant la taille et l'éventuel déplacement. L'IRM, la scintigraphie, l'arthrographie et l'arthroscanner n'ont que peu de justification en pratique courante.
Selon le stade, le traitement sera : fonctionnel (stade I), orthopédique (stade II) ou chirurgical (stade III). Bien traitée, la lésion ne doit pas laisser de séquelles et autoriser la reprise sportive au niveau antérieur. En l'absence de traitement bien conduit, les formes graves (stades II et III) laissent des séquelles : instabilité ou lésions dégénératives du dôme du talus.
Ski : prise de carre et fracture de l'apophyse externe de l'astragale
La fracture de l'apophyse externe de l'astragale est une lésion parcellaire du corps de l'astragale réputée rare et de diagnostic difficile. Cette fracture articulaire, avec tous les risques inhérents à ce type de fracture, est souvent méconnue initialement et diagnostiquée une fois sur deux au stade des séquelles. Son incidence a augmenté ces dernières années avec le développement de la pratique du surf des neiges, au point de représenter « la » fracture de ce sport. Elle doit donc être systématiquement recherchée quand un adapte du snowboard présente un traumatisme de cheville.
Au stade aigu, le tableau clinique est trompeur puisqu'il ressemble beaucoup à celui d'une banale entorse du ligament latéral externe de l'articulation tibio-tarsienne. Passé ce stade, il faut penser au diagnostic devant une douleur du versant antéro-externe de la cheville. L'examen peut retrouver une douleur exquise à la palpation de l'apophyse, située en dessous et en avant de la malléole péronière. Les radiographies standards ne permettent pas assez souvent le diagnostic. De profil, la constatation d'un épanchement de l'articulation sous-astragalienne postérieure a une haute valeur diagnostique. Des incidences spécifiques peuvent être nécessaires, dégageant mieux l'apophyse : face en rotation interne de 20°, face en rotation interne de 45° combinée à une flexion plantaire de 30°. En cas de doute, il faut avoir recours à la tomodensitométrie de façon à analyser au mieux le type de fracture, le déplacement, l'importance de la comminution et l'atteinte de l'articulation sous-astragalienne.
Le traitement, souvent chirurgical, est gage d'une meilleure récupération s'il est entrepris précocement. A l'inverse, le retard au diagnostic est source d'une indiscutable morbidité, due au caractère articulaire de la fracture et à sa survenue sur un os mal vascularisé. Même si elle n'est pas validée de façon prospective, la prise en charge est actuellement bien codifiée. Le traitement orthopédique ne doit être proposé que pour les fractures de la pointe et les fractures non déplacées de l'apophyse (mise en décharge dans une botte pendant quatre à six semaines, puis appui sous couvert de la botte pendant deux à quatre semaines). Le traitement chirurgical (vissage en compression et excision des fragments) est plus agressif, mais donne de meilleurs résultats en cas de fragment non déplacé volumineux, de fragment déplacé de plus de 2 mm ou de comminution. Malheureusement, en cas d'atteinte dégénérative évoluée de l'articulation sous-astragalienne, une arthrodèse peut être nécessaire.
Football : tacle et impaction postérieure de la cheville
Geste défensif essentiel du footballeur, le tacle semble à juste titre plus dangereux pour le « taclé » que pour le « tacleur » ; il peut néanmoins être à l'origine d'accident traumatique aigu de la cheville du tacleur. Le tacle réalise le mécanisme traumatique parfait en associant les trois composantes nocives : l'impaction inférieure, la flexion plantaire et le cisaillement sagittal. Les lésions provoquées intéressent les différentes structures anatomiques du carrefour postérieur de la cheville et ses limites osseuses. La douleur fulgurante ressentie lors de l'accident est vaguement située « dans la cheville », plutôt en arrière, avec des irradiations verticales. L'impotence fonctionnelle initiale est totale, mais après quelques temps, la douleur s'amenuise. A l'examen clinique, l'empâtement rétro-malléolaire est assez discret quelle que soit la lésion, et la douleur à la mobilisation de la cheville est toujours plus marquée vers la flexion plantaire.
Le bilan lésionnel et la prise en charge du patient diffèrent selon qu'il s'agit d'un accident isolé ou initial d'impaction aiguë, affectant un joueur de tout âge jusque-là indemne, ou d'un tableau d'impaction récurrente passé à la chronicité et plutôt rencontré chez le footballeur adulte. Le traitement de l'impaction aiguë dépend évidemment des lésions rencontrées. Dans les formes bénignes, purement contusives, l'évolution est spontanément favorable en une à trois semaines. S'il s'agit d'une souffrance ligamentaire avec un simple dème osseux sans fracture, le traitement fonctionnel avec protection d'appui par béquilles doit être prolongé de quatre à six semaines. Quant aux lésions fracturaires, heureusement rares, elles justifient le plus souvent un traitement orthopédique avec suppression d'appui jusqu'à consolidation (quatre à six semaines pour le tubercule astragalien, huit semaines pour la marge tibiale). Dans ce mécanisme traumatique, seules les fractures de Cloquet-Shefferd semblent pouvoir être déplacées : elles justifient alors un traitement chirurgical d'autant plus nécessaire que le trait s'étend à la surface articulaire du dôme astragalien. Le syndrome chronique est caractérisé par la répétition d'épisodes douloureux séparés d'intervalles libres de quelques semaines à quelques mois. Le tableau chronique peut succéder à un épisode plus ou moins ancien d'impaction aiguë, le plus souvent sans diagnostic lésionnel précis. Il apparaît plus souvent comme une pathologie micro-traumatique de la cheville, assez spécifique du footballeur. Chez ce dernier, l'importance des remaniements adaptatifs définit l'aspect caractéristique de la « cheville du footballeur » dont les premiers signes peuvent apparaître dès l'âge de 20 ans.
Danse : pointes et fractures de fatigue de la base du 2e métatarsien
Bien que réputées rares, les fractures de contrainte médiale de la base du 2e métatarsien sont relativement fréquentes et spécifiques chez le danseur. Décrites pour la première fois il y a quinze ans (Micheli, chez quatre danseuses de ballet), ces fractures ont une pathogénie commune. Il s'agit toujours d'un trait de fracture qui part de la berge médiale de la base de M2, à la jonction entre la métaphyse et la diaphyse, et qui se dirige obliquement en arrière et en dehors. Le trait est à prédominance plantaire. Il peut arriver à cliver complètement la base de M2. La présentation clinique est univoque : douleur dorsale, siégeant à la base de M2, exacerbée par la position sur pointes ou sur demi-pointes en charge et soulagée pied à plat. Le délai entre le début des douleurs et le diagnostic est habituellement de quelques semaines. La physiopathologie de cette fracture a été diversement expliquée. Un point est certain : l'anatomie de la deuxième articulation tarso-métatarsienne est très particulière, contribuant à fixer fortement la base de M2, alors que M1 conserve une certaine liberté de mouvement ; la position sur pointes (femmes) ou sur demi-pointes (hommes) verticalise complètement les métatarsiens et les soumet à de fortes contraintes, notamment M2 et M3. Outre cette disposition anatomique, d'autres facteurs mécaniques ont été évoqués, notamment la présence d'un M1 court (mais non confirmée par tous les auteurs). Des facteurs hormonaux ont également été évoqués : apparition retardée des règles, spanioménorrhée, voire aménorrhée fréquente chez les danseuses classiques. Les clichés simples sont souvent négatifs (intérêt du trois-quart déroulé en incidence planto-dorsale, qui paraît le plus performant). La scintigraphie est toujours positive mais non spécifique, et elle ne dispense pas d'un second examen à visée morphologique. La tomodensitométrie répond clairement à la question en mettant en évidence, dans tous les cas, un trait de fracture stéréotypé : oblique de dedans en dehors et d'avant en arrière. Ces fractures guérissent en règle générale médicalement en quelques semaines et permettent un retour au niveau antérieur.
D'après les communications de M. Raguet, J.-F. Kouvalchouck, Y. Rouxel, J.-B. Courroy et G. Morvan, lors de la 18e Journée de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière.
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