IL Y A BIEN continuité musicale dans le dernier spectacle du Ballet de l'Opéra de Paris, car on passe pour « Noces » de Stravinski d'un ensemble choral accompagné par quatre pianistes à la version du « Sacre », du même Stravinski, pour piano à quatre mains, pour arriver à un ensemble instrumental de percussions plus étoffé autour du piano pour « la Septième Lune » sur une musique originale de Jean Prodromidès, commande de l'Opéra de Paris. Mais la continuité s'arrête là car il n'y a ni rapport ni mise en perspective entre les chorégraphies de la Russe Bronisla Nijinska (1923), de l'Américain Paul Taylor (1980) et de l'Italien Davide Bombana (création). « Noces », dans sa version des Ballets russes signée en 1923 par la sœur du grand Nijinski, reste un classique admirable qui, quatre-vingts ans après, n'a pas pris une ride. Echo des mariages dans la Russie traditionnelle, dans les superbes costumes et décors de Natalia Gontcharova, elle donne à deux solistes, Karen Averty et Hervé Moreau, l'occasion de briller au sein d'une compagnie préparée par Elisabeth Platel qui en a été la grande interprète à l'entrée de la pièce au répertoire de l'Opéra de Paris en 1976.
La version décalée du « Sacre » à la Buster Keaton de Paul Taylor est tellement anecdotique que même d'excellents danseurs tels Géraldine Wiart et Emmanuel Hoff n'arrivent pas à soutenir l'intérêt. Au moins donne-t-elle l'occasion d'entendre la rare version révisée en 1947 par Stravinski pour piano à quatre mains, magnifiquement dominée par les pianistes Elena Bonnay et Christine Lagniel.
Quant à la création mondiale « la Septième Lune », on doute qu'elle ait un grand avenir devant elle. Inspirée d'un nô japonais, elle mélange vocabulaire classique et moderne sans originalité ni efficacité. Prodromidès a conçu une musique sombre, percussive, efficace, dans la veine des accompagnements de films noirs. Passé l'effet de surprise du décor noir et blanc, des beaux costumes du japonais Yoshiki Hishinuma, on s'ennuie ferme, d'autant que les jeunes danseurs qui ont succédé aux étoiles des premières représentations ne semblent pas s'engager à fond dans cette chorégraphie de vingt-sept minutes rapidement à court d'idées (1).
Un opéra « médiévo-contemporain ».
Pendant ce temps-là, le Théâtre de la Ville affiche complet pour la reprise de « Foi », créé il y a juste un an par Sidi Larbi Cherkaoui, un des chorégraphes du collectif belge les C. de la B. Et c'est justice car ce long spectacle d'une heure quarante tient le spectateur en haleine avec ses vrais personnages, avec ses chocs culturels et sa richesse d'invention.
A vingt-sept ans, ce chorégraphe et danseur belge et marocain a déjà à son actif d'avoir été un des interprètes de Teresa de Keersmaeker et d'Alain Platel (notamment dans l'ébouriffant « Lets op Bach » en 1997, où il dansait un solo inoubliable) et d'avoir créé deux spectacles, « Rien de rien » et « D'avant », présentés par le Théâtre de la Ville aux Abbesses en 2001 et 2002. Difficile de décrire cet « opéra médiévo-contemporain » auquel prend part l'ensemble Capilla Flamenca avec un répertoire de Chants polyphoniques du XIVe siècle, situé dans une cour concentrationnaire triangulaire, où les personnages, tous révoltés, tous marginaux (homosexuel, travesti, séropositif, boulimique, trisomique, cul-de-jatte), incarnés par des acteurs-danseurs de tous les horizons possibles, sont doublés d'un ange gardien qui leur fait commettre les actions les plus inconsidérées.
Sidi Larbi prend ses spectateurs dès la première image, pour ne les lâcher qu'éreintés et magnétisés à la fin d'un parcours du combattant qui mène au néant (2).
(1) Opéra-Garnier (08.92.89.90.90). Prochains spectacles du Ballet de l'Opera de Paris en alternance : « Don Quichotte » (Noureev-1981), du 11 mai au 3 juin ; « Giselle » (Mats Ek-1982), du 18 mai au 1er juin.
(2) Théâtre de la Ville (01.42.74.22.77). Prochain spectacle : Emio Greco, « Rimastro Orfano », du 4 au 8 mai.
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