UN PLATEAU NU. De grands cordages. Lourds, immenses, écrasants. Le pont du navire qui cingle vers la Chine est un espace métaphysique magnifiquement imaginé par Damien Caille-Perret et cet espace ne se modifiera que très peu pour nous conduire jusque dans un cimetière de Hong-Kong ou dans une petite maison assiégée. Des lumières franches d'Eric Soyer, qui ne dérobent jamais les visages, les regards. Un usage très parcimonieux de la musique, c'est bien, et un son très subtil réglé par Christophe Séchet, avec, notamment, les craquements du navire, impressionnants comme un sol qui ne cesserait de menacer.
Paraissent les personnages, le quatuor de la passion, dans les costumes harmonieux de Patrice Cauchetier.
Christian Gonon, discret mais très présent, comme le demande De Ciz, le mari. Ysé surgit dans une robe rouge, couleur de feu, et Marina Hands est éblouissante dans les premières scènes de séduction, de jeu. Elle est remarquable tout au long de la représentation comme le sont ses camarades, Eric Ruf, déchirant Mesa, et, nouveau venu au Français, l'immense Hervé Pierre, fascinant Amalric.
Sur ces quatre, Yves Beaunesne, dont on a toujours aimé profondément le travail, appuie une recherche de finesse, d'audace. Jamais on n'a aussi bien ressenti la puissance de l'affrontement de la chair et de l'esprit, jamais on n'a si bien ressenti la jeunesse, le tourment, l'intelligence, le courage des personnages. Cela faisait longtemps que l'on n'avait pas vu Claudel joué si « haut ». C'est magnifique.
D'une audace époustouflante.
Yves Beaunesne a choisi la première version, celle de 1905, celle que Paul Claudel reprendra pour « la scène » et encore au-delà (trois versions dans « La Pléiade » établie par Jacques Madaule et Jacques Petit). Claudel a 37 ans lorsqu'il écrit « Partage de midi ». Il tente de saisir la passion qu'il a vécue : Ysé est Rosalie Vetch qu'il a aimée à Fou-Tchéou, scandaleuse liaison aux regards de la petite société. En 1904, elle prendra un bateau pour l'Europe pour accoucher de l'enfant de Claudel...
Ceci pour l'histoire littéraire. Mais pas seulement. On est transpercé par la violence et la fierté, par la pureté et la complexité des êtres.
Un point vous étonnera sans doute : une manière de ne pas faire les liaisons, très étrange. Un/homme. Un/enfant. Des blancs qui étaient consubtantiels à la manière de dire de Claudel lui-même, témoigne le metteur en scène. Le blanc, le suspens, comme le point de fuite de ces personnages qui ne cessent de parler mais le font parce qu'ils ont le sens du bien et du mal et se sentent menacés...
On est dans le sublime et dans les tourments de vivre, d'aimer, ceux du pouvoir et de la conquête, ceux de l'argent. C'est d'une audace époustouflante. On est subjugué par les quatre interprètes, profonds, sensibles, magnifiques. Et puis, peut-on ne pas vous le rappeler : trente ans auparavant, Ysé, mise en scène par Antoine Vitez, ce fut, inoubliable, Ludmila Mikaël... et Marina Hands est sa fille. Une histoire claudélienne.
Comédie-Française, salle Richelieu, en alternance toute cette saison. Durée : 2 h 10 sans entracte (0.825.10.16.80).
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