« VIVRE SANS espoir, c'est cesser de vivre. » C'est sur cette citation de Dostoïevski que s'ouvre une des plaquettes de présentation de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). Une citation qui résume bien l'état d'esprit qui anime les animateurs de ce projet d'envergure, assurément un des plus ambitieux conduits en France dans le domaine scientifique. « Cet institut doit voir le jour fin 2008-début 2009. Le début des travaux est prévu pour le printemps 2007. L'ICM s'installera sur un terrain de 4 400 m2 sur le site de la Pitié-Salpêtrière, en plein cœur de Paris. A terme, cet institut a pour vocation de rassembler entre 700 et 900 chercheurs, techniciens ou postdoctorants », précise le
Pr Yves Agid, chef du service de neurologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris et membre du comité exécutif de l'Association pour le développement de la recherche sur le cerveau et la moelle épinière (Adrec). Une association qui, en 2005, a recueilli près de 10 millions d'euros pour le compte de l'ICM.
Quelle est l'ambition de l'institut ?
« Permettre aux hommes de rester libres de leurs mouvements et de leurs pensées », comme aime à le dire le
Pr Gérard Saillant, chef du service de chirurgie orthopédique de la Pitié-Salpêtrière et président du comité exécutif de l'Adrec. Plus concrètement, l'institut sera un lieu de recherche et de soins où les personnes atteintes de maladies ou de traumatismes du système nerveux profiteront des découvertes issues des laboratoires.
Au départ de ce projet, initié par l'Inserm, il y a un constat assez unanimement partagé : les activités de recherche, menées jusqu'à présent dans le domaine de la neurobiologie moléculaire et cellulaire, la neurophysiologie, les sciences de la cognition et de la thérapeutique, ont été conduites de manière trop dispersée et morcelée. « Une idée force de ce projet est de rassembler les chercheurs, les techniciens et les postdoctorants dans un seul et même lieu, organisé autour de plates-formes technologiques de très haut niveau. Si on veut viser à l'excellence dans le domaine des neurosciences, il n'est plus possible que chacun continue de travailler seul dans son laboratoire », explique le Pr Agid.
Autre objectif phare de l'ICM : mettre la science au service des malades.
« Notre volonté est vraiment de réduire le temps de la recherche et de son application clinique. C'est la raison pour laquelle l'ICM va s'installer au cœur d'un lieu de soins, en l'occurrence la Pitié-Salpêtrière. Ici, nous avons une file active de cent mille malades, principalement en neurologie, mais aussi en psychiatrie, en neurochirurgie ou en rééducation neurologique. Nous disposons donc de cohortes de patients énormes, mais qui restent encore mal exploitées », constate le Pr Agid, en précisant qu'au sein de l'ICM sera installé un centre d'investigation clinique (CIC) de 1 500 m2 où travailleront trente-cinq personnes.
Pour le Pr Agid, la décision d'implanter l'IMC sur le site de la Salpêtrière, en quelque sorte le « berceau » de la neurologie française, est tout aussi légitime sur un plan scientifique.
« Nous disposons d'ores et déjà à la Salpêtrière d'un institut fédératif, qui regroupe une quinzaine de laboratoires et dix-huit services cliniques. A eux seuls, ils assurent 10,5 % de la recherche française dans le domaine des neurosciences. Au total, huit cent cinquante personnes travaillent ici dans ce domaine. Parmi elles, il y a bien sûr des hospitalo-universitaires, des postdoctorants, des étudiants, mais aussi deux cent cinquante statutaires de l'Inserm et du Cnrs, ce qui est énorme. Par ailleurs, on peut aussi souligner que 50 % de la recherche française en neurosciences se fait en Ile-de-France, et notre idée est que l'IMC soit une force structurante pour l'ensemble de la recherche menée dans notre pays dans ce domaine », indique le Pr Agid.
Un autre point essentiel est la dimension internationale de l'ICM. « Il ne s'agira pas d'un institut franco-français, c'est très important pour nous. Nous avons déjà créé un conseil scientifique composé de vingt personnalités étrangères. Nous avons donc la volonté de faire venir pour travailler avec nous des chercheurs de très haut niveau international. C'est la seule façon d'atteindre l'excellence scientifique, qui est le cœur même de ce projet », souligne le Pr Agid, qui insiste enfin sur la volonté de l'ICM de s'ouvrir vers la société civile et de nouer des partenariats étroits avec le monde industriel. « L'institut sera une fondation privée d'intérêt public, qui pourra jouer la carte de la valorisation. L'idée, c'est de faire de la recherche publique en lien avec la recherche privée. Il y a aura, par exemple, des liens privilégiés avec l'industrie pharmaceutique pour le développement de nouvelles molécules. Sur le site, 3 500 m2 seront aussi réservés à des incubateurs d'entreprise ou des starts-up de biotechnologie. Avec ce projet, l'objectif est aussi de développer le bassin d'emplois dans les biotechs. Ce lien avec les industriels est donc important, même s'il est très clair que le premier objectif de l'ICM est d'ordre scientifique », souligne le
Pr Agid.
Selon les estimations budgétaires de l'ICM, l'investissement initial du projet devrait s'élever à 67 millions d'euros. Pour rassembler les fonds nécessaires, l'ICM va s'appuyer sur des financements publics en provenance notamment de l'Europe, l'Etat, la région Ile-de-France (qui débloque à elle seule 15 millions d'euros), la Mairie de Paris, l'Inserm, le Cnrs, l'université Paris-VI, l'Inria, le CEA. L'ICM va aussi disposer de financements privés, attribués notamment par des industriels, des fondations philanthropiques (fondation Safra) ou la Fédération internationale de l'automobile.
(1) Chef du service de la Fédération de neurologie du CHU Pitié-Salpêtrière à Paris.
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