Un progrès pour la recherche thérapeutique

Un singe transgénique pour l'étude de la chorée de Huntington

Publié le 20/05/2008
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LA MALADIE de Huntington, qui touche une personne sur 10 000, est une affection neurodégénérative héréditaire (autosomale dominante), toujours sévère et fatale, pour laquelle il n'existe aucun traitement permettant de stopper ou de ralentir sa progression.

Les symptômes débutent généralement entre 30 et 40 ans : changements de personnalité, mouvements incontrôlés, déclins cognitifs et moteurs progressifs. Le décès survient généralement au bout de dix à vingt ans.

La maladie est causée par une mutation du gène HTT (une expansion des triplets CAG) qui aboutit à une expansion de la chaîne glutamine dans l'huntingtine ; la neurodégénérescence prédomine dans le striatum et le cortex cérébral.

A ce jour, plusieurs modèles rongeurs de la maladie ont été développés ; s'ils ont permis de faire avancer notre compréhension des mécanismes de la maladie, aucun de ces modèles ne reproduit totalement les changements comportementaux et les changements tissulaires qui surviennent chez les patients.

Le gène humain muté dans des ovules de macaques.

«Les modèles primates reflètent mieux les maladies humaines et représentent un chaînon crucial entre les petits animaux de laboratoire et les études cliniques humaines», souligne, dans un communiqué, John Harding, directeur des ressources primates au NIH, qui a parrainé l'étude.

Une équipe de l'université Emory à Atlanta (Géorgie) a développé le premier modèle singe transgénique de la maladie de Huntington.

Les chercheurs ont introduit le gène HTT humain muté (84 répétitions CAG), au moyen d'un vecteur viral, dans des ovules non fécondés de macaques rhésus. Le virus, qui s'est intégré dans le génome de l'ovule, portait également le gène (GFP) de la protéine fluorescente verte, servant de marqueur pour le succès de la procédure transgénique.

Les ovules ont été fécondés par injection intracytoplasmique de spermatozoïde, et les embryons ont été transférés chez des mères porteuses. Sur 6 grossesses résultantes, 5 singes sont nés à terme. Tous portaient le gène htt muté et le gène GFP.

Trois singes qui portaient entre deux à quatre copies du gène HTT mutant ont développé des symptômes sévères de la maladie de Huntington et sont décédés dans le premier mois. Les deux autres singes survivants portent une seule copie du gène muté. L'un ne porte que 29 répétitions CAG et ne présente donc aucun symptôme. L'autre singe porte 83 répétitions CAG et présente des symptômes modérés qui ont débuté dans la semaine suivant la naissance.

Des signes cardinaux de la maladie ont été observés.

Ces deux macaques sont étroitement étudiés pour suivre la progression de la maladie. Des signes cardinaux de la maladie de Huntington sont observés chez ces singes transgéniques, comme les inclusions nucléaires et les agrégats dans les neurones du striatum et du cortex, et les mouvements anormaux caractéristiques (dystonie et chorée). Toutefois, la neurodégénérescence observée n'est qu'au stade très précoce.

«Bien que ce ne soit qu'une preuve de principe, leur exploit représente un pas en avant», notent dans un commentaire associé deux neurochirurgiens exerçant en France, les Drs Stéphane Palfi et Bechir Jarraya (hôpital Henri-Mondor, Créteil).

«Le modèle primate généré par Yang et coll. nous fait faire un autre pas sur le long chemin vers le développement d'un traitement pour la maladie de Huntington», ajoutent-ils.

Cette approche «devrait faciliter le développement d'un modèle plus élaboré pour la forme commune de la maladie de Huntington, qui est caractérisée par une survenue clinique retardée de la dysfonction motrice et cognitive».

«De plus, elle ouvre la voie à la création de modèles singes pour d'autres maladies neurodégénératives qui sont causées par des mutations d'un seul gène, comme les formes familiales de maladie d'Alzheimer, de maladie de Parkinson et de sclérose latérale amyotrophique. »

« Nature », 19 mai 2008, Yang et coll.

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8374