Privé

Un secteur sous tous rapports

Publié le 18/10/2010
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Premier du genre, le rapport d’activité 2009 de l’hospitalisation privée fait apparaître un secteur privé lucratif en proie à une panne de la croissance.

La présentation du rapport d’activités des cliniques et hôpitaux privés a-t-elle vocation à devenir la grand-messe de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) ? En tout cas, la première du genre s’est déroulée fin septembre dernier. « Désormais ce rapport d’activités devrait être publié chaque année au premier trimestre », annonce Jean-Loup Durousset, président de la FHP. Le premier du genre en tous les cas brasse les données de l’Insee 2008, les données de capacités et d’activité pour le SSR et la psychiatrie 2007, le PMSI1 2008, les données financières Coface Diane 2008 et les données qualité de la Haute Autorité de santé (HAS). On peut regretter de ne disposer d’aucune donnée 2009. Les 1 109 cliniques de l’hospitalisation privée, si elles sont sorties de la crise de 1995-2003, connaissent cependant un ralentissement de l’activité en 2008, par rapport à 2007. Le résultat net régresse en 2008 à 2,3 % du chiffre d’affaires contre 3,2 % en 2007, dû, selon le cabinet Mazars qui a expertisé les données financières sous la houlette du Groupe Montaigne, à une tarification stable et à une hausse des charges et frais de personnel. « Comparativement à d’autres secteurs d’activités, la rentabilité des cliniques est en moyenne deux fois plus faible qu’ailleurs, mais c’est un secteur qui est sur un cycle long et croissant », ajoute un expert du cabinet Mazars. Signe inquiétant : fin 2008, un tiers des cliniques était en perte. À ce tassement du chiffre d’affaires, il faut ajouter une crise des ressources humaines. Si la masse salariale non médicale reste dynamique (+ 0,7 % des effectifs entre 2007 et 2008 et + 3 % de masse salariale), les effectifs médicaux sont eux en baisse de 1 % entre 2006 et 2007, dont – 1,4 % pour les praticiens libéraux.

Les cliniques, des PME

Les spécialités les plus touchées restent l’obstétrique (-6,7 %) et la pédiatrie (-9,6 %). La crise liée à la problématique de la responsabilité civile professionnelle (RCP) ne doit pas être étrangère à cette désaffection (cf. p. 18). « De plus en plus, les médecins sont attirés par un nouveau mode de rémunération comme le salariat », constate Gabriel Bossy, président de la FHP-SSR. « Dorénavant, nous allons utiliser la possibilité que nous offre la loi HPST de salarier nos médecins », ajoute Jean-Loup Durousset. Sur 40 000 médecins, 4 000 médecins sont salariés, essentiellement dans le secteur des SSR. « Le problème de l’attractivité du secteur nous interpelle, ajoute Jean-Loup Durousset. Nous espérons que nous pourrons démontrer les vertus du secteur privé aux internes que nous accueillerons sur nos terrains de stage. » C’est une des spécificités de l’hospitalisation privée : elle requiert à la fois des ressources humaines très qualifiées, et des investissements technologiques lourds. Malheureusement, la capacité d’investissement des cliniques s’étiole. En 2008, selon ce rapport d’activité, les établissements privés ont connu une détérioration de leurs fonds propres de 16 millions d’euros, ce qui réduit leur capacité d’endettement, donc d’investissement. La constitution de grands groupes de cliniques privées ces dernières années n’a, selon l’institut Montaigne, rien changé aux données du problème : « Le modèle économique des cliniques, même au sein des grands groupes, reste celui de la PME. Les cliniques de groupes ne sont pas plus rentables que les autres. Elles ont un "marché" qui reste extrêmement local. » Difficile à croire, cependant, lorsque l’on connaît les économies d’échelle que font les groupes de cliniques privées, grâce à la mutualisation des fonctions support et des ressources humaines… Reste que l’avenir, à court terme, apparaît plus dégagé, pour le secteur privé, que le passé récent. « La mise en œuvre du LMD2 en 2011 obligera forcément les pouvoirs publics à une hausse des tarifs, croit savoir Philippe Burnel, délégué général de la FHP. Nous nous attendons à une hausse des tarifs de l’ordre de 0,5 ou 0,6 %. » Si le MCO l’an dernier pourrait bénéficier d’une hausse des tarifs, le secteur SSR reste pour sa part inquiet. « Nous devrions entrer dans la T2A en 2012. Mais les pouvoirs publics nous annoncent deux échelles distinctes, l’une pour le privé, l’autre pour le public. Ce n’est pas normal, puisque dans le SSR il n’y a pas de dépassement d’honoraires », s’inquiète Gabriel Bossy, président de la FHP-SSR.

1. Programme de médicalisation des systèmes d’information.

2. Licence master doctorat.

Jean-Bernard Gervais

Source : Décision Santé: 268