La future "salle de shoot à Paris a du plomb dans l’aile. Le Conseil d'Etat estime en effet qu’il faudrait une loi pour pouvoir lancer ce genre d’expérimentations. Le gouvernement qui l’avait saisi pour avis d’un simple décret est bien avancé... Sur la forme, il n’est certes pas obligé de suivre ce que lui dit le Conseil d’Etat. Mais en pratique, il serait pour lui bien imprudent de passer outre. Au risque de voire attaquer son décret ensuite par des riverains... devant le même Conseil d’Etat ! Le projet, adopté en juillet par délibération du Conseil de Paris, s'était en effet heurté à une très vive opposition de la droite et d'associations. L'une d'elles, "Parents contre la drogue", avait déjà déposé un recours devant le Conseil d'Etat.
Sur France Info jeudi matin, Anne Hidalgo, candidate à la mairie de Paris et première adjointe de Bertrand Delanoë a d’ailleurs reconnu que l’ouverture de cette salle de consommation supervisée, qui devait ouvrir en novembre dans le quartier de la gare du Nord serait très probablement reportée à l’année prochaine. Il ne sera sans doute pas possible d'ouvrir une "salle de shoot" avant les municipales à Paris, a-t-elle indiqué, puisque "ce que dit le Conseil d'Etat, c'est qu'il faut une loi pour pouvoir autoriser ce type de lieu", qu'elle préfère appeler "salle médicalisée". "Nous allons retravailler avec le ministère de la Santé (...) Nous suivrons les avis des autorités du pays, bien évidemment", a-t-elle également précisé.
Touraine obligée d’attendre
Du côté de l’avenue de Ségur, la réaction a été immédiate. Dès jeudi matin, le cabinet de Marisol Touraine publiait un communiqué qui prenait acte des remarques de l’avis du Conseil d’Etat. «Le Conseil d’Etat a procédé à l’examen de ce projet le 8 octobre dernier et a recommandé au gouvernement d’inscrire dans la loi le principe de ce dispositif pour plus de garantie juridique. Le gouvernement va travailler avec les acteurs concernés par ce projet à la sécurisation juridique de ce dispositif.» En termes choisis, cela signifie donc que le gouvernement va sans doute devoir passer par la loi. Un peu plus tard, Marisol Touraine l’a confirmé : «Le Conseil d'Etat recommande de passer par une loi, c'est un conseil qu'évidemment nous allons suivre», a déclaré la ministre dans les couloirs de l'Assemblée.
Il est probable que cela ne l’arrange guère. Car cela risque de rouvrir le débat autour d’une éventuelle révision de la loi de 1970. Une perspective réclamée par certains acteurs du secteur, mais sur laquelle le récent plan drogues du gouvernement avait fait prudemment l’impasse. Réagissant à l’avis du Conseil d’Etat, certaines associations comme Médecins du Monde (MDM) et la Fédération Addiction, n’ont pas manqué de relever qu'«on ne peut pas développer une politique de santé publique à la hauteur dans ce domaine des dépendances aux drogues, avec une loi dépassée qui a plus de 40 ans.»
Pour l’heure, le député Jean-Marie Le Guen, avocat du projet parisien depuis plusieurs années s’est proposé pour élaborer une solution législative. Mais l’élu socialiste de la capitale a assorti sa proposition d’un commentaire peu amène à l’intention du cabinet de Marisol Touraine : «Je regrette que le gouvernement n'ait pas pris les mesures nécessaires à la sécurisation juridique pour la mise en place d'un dispositif attendu et nécessaire à la réduction des risques et à la santé publique.»
Pour l’heure, même si le projet de "salles de consommation à moindre risque" du ministère de la Santé subit un sérieux contretemps, rien n’indique que les autorités renoncent au projet. Le communiqué de Marisol Touraine revient d’ailleurs sur les avantages de la formule : «De tels espaces ont été ouverts dans plusieurs pays étrangers ; ces expériences ont montré que ces accueils permettent aux usagers de recevoir conseils et aides spécifiques, induisant une diminution des comportements à risque et des overdoses mortelles. Ont également été mis en évidence une réduction de l’usage de drogues en public et des nuisances associées.»
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