LA PROTEINE p53, connue pour son rôle de suppresseur de tumeur, jouerait un rôle important dans la pathogenèse de la maladie de Huntington. Une équipe de chercheurs de l'université Johns Hopkins (Baltimore, Maryland) vient de découvrir que, in vitro dans des cellules en culture et in vivo dans des modèles animaux, l'absence de p53 prévient une grande partie des dysfonctionnements cellulaires et des anormalités comportementales associés à cette maladie neurodégénérative.
La maladie de Huntington est due à l'activité de versions mutantes d'une protéine, la huntingtine. Ces protéines mutantes s'accumulent dans le cytoplasme et le noyau des cellules nerveuses où elles interagissent avec de nombreuses autres protéines. Ce phénomène est associé à une très forte neurocytotoxicité. La physiopathologie de la maladie de Huntington semble également impliquer des dysfonctionnements mitochondriaux. En effet, il a été démontré que l'activité de plusieurs enzymes mitochondriales de la chaîne respiratoire est altérée dans les cellules du système nerveux central des malades.
Cependant, la nature du lien unissant les perturbations nucléaires dues aux molécules d'huntingtines mutantes et les dysfonctionnements mitochondriaux était jusqu'ici restée inconnue.
Cherchant à résoudre ce mystère, Bae et coll. ont eu l'idée de s'intéresser au comportement de la protéine p53 dans les cellules nerveuses exprimant un allèle mutant de la huntingtine. La protéine p53 possède de multiples fonctions qui n'ont pas toutes été élucidées. Il est néanmoins établi que cette protéine nucléaire participe à la régulation de l'expression de gènes mitochondriaux. Par ailleurs, il est récemment apparu que les molécules d'huntingtines mutantes possèdent la capacité de se fixer à la protéine p53.
Une élévation du niveau de p53.
Bae et coll. ont découvert que, dans des cellules en culture, cette interaction conduit à une élévation du niveau de p53 dans le noyau des cellules et à une augmentation de son activité transcriptionelle. Des phénomènes similaires ont pu être observés dans des cultures primaires de neurones et dans le cerveau de souris modélisant la maladie. L'analyse post-mortem des tissus cérébraux de malades a permis aux chercheurs de confirmer l'existence d'une élévation du niveau de p53. dans les cellules nerveuses humaines exprimant un allèle mutant de la huntingtine.
En utilisant différents stratagèmes visant à empêcher l'expression de p53 (ARN interférents, délétion du gène, inhibiteurs...), l'équipe américaine a ensuite montré que p53 joue un rôle majeur dans la physiopathologie de la maladie de Huntington : l'absence de p53 prévient les dysfonctionnements mitochondriaux et les comportements anormaux observés in vivo chez l'animal. En revanche p53 n'a pas d'influence sur l'accumulation et l'agrégation des molécules d'huntingtines mutantes.
Ces résultats suggèrent que p53 pourrait constituer le lien entre les phénomènes nucléaires et les phénomènes mitochondriaux qui caractérisent la maladie de Huntington.
Bae et coll., « Neuron » du 7 juillet 2005, pp. 29-41.
Le cas de jumelles discordantes
Des facteurs environnementaux pourraient jouer un rôle plus important qu'on ne le croyait dans le développement de la maladie de Huntington. Jusqu'ici, il était admis que l'âge auquel apparaissent les premiers symptômes de la maladie dépend essentiellement de la nature de l'allèle mutant de la huntingtine porté par le malade : plus le gène muté présente un grand nombre de répétions du triplet CAG et plus la maladie se déclare précocement.
Mais le cas d'un couple de jumelles homozygotes va à l'encontre de cette théorie. Une des sœurs a déclaré la maladie à 65 ans alors que l'autre ne présentait encore aucun symptômes sept ans plus tard. Les deux femmes étaient pourtant bien porteuses du même allèle mutant de la huntingtine, un allèle contenant 39 répétitions CAG. Les médecins qui ont décrit ce cas suggèrent que l'exposition à des toxines industrielles et le tabagisme de la jumelle atteinte pourrait expliquer la différence observée dans le délai d'apparition des premiers symptômes.
Ce cas est néanmoins exceptionnel. Les jumeaux homozygotes porteurs d'un allèle mutant de la huntingtine déclarent généralement la maladie de manière pratiquement simultanée, dans un délai d'un ou deux ans.
Friedman et coll., « Archives of Neurology », vol. 62, pp. 995-997.
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