CHEZ DES rats soumis à un stress chronique imprévisible et mis en échec social, on observe une diminution du taux plasmatique de leptine avec des troubles du comportement. Ensuite, l’apport de leptine à ces animaux par voie systémique fait régresser les anomalies du comportement observées.
L’intérêt de ces observations, publiées par Lu et coll. pour ce qui nous concerne, tient au fait que ces épreuves (stress imprévisible chronique et mise en échec social) semblent induire des altérations du domaine dépressif : prostration, manque de réaction à des stimuli, réduction de la prise de nourriture (désintérêt pour le sucrose) ou au contraire alimentation exagérée. Et que la leptine améliore l’état des animaux sur des tests objectifs : épreuve de la nage forcée avec une cotation de l’état dit de « désespoir comportemental » (réduction de la nage, voire immobilité).
De là à dire que la leptine peut être considérée comme un antidépresseur, il y a un grand pas à franchir, ce que les chercheurs se gardent de faire. « Naturellement, il faut d’abord s’interroger sur la validité des modèles animaux par rapport aux symptômes humains de dépression. »
Taux bas de leptine dans le plasma et le LCR.
Les données cliniques sur l’association entre le niveau de leptine et la dépression sont limitées et divergentes, poursuivent-ils. Dans deux études, des chercheurs trouvent des taux bas de leptine dans le plasma et le LCR de patients souffrant d’une dépression majeure. Mais dans une autre étude clinique, on rapporte que les taux plasmatiques de leptine sont identiques chez des déprimés et des sujets contrôles en bonne santé. «On peut donc supposer qu’un déficit en leptine ne concernerait qu’un sous-groupe de patients présentant une susceptibilité particulière.» Un travail très récent indique qu’une amélioration sous antidépresseur est associée à une élévation du taux de leptine circulante.
Toutefois, l’effet « antidépresseur-like » suggéré par les résultats sur ces modèles animaux rend licite l’idée de mieux étudier l’effet de cette hormone sur les états dépressifs. En particulier, on pourrait commencer à étudier plus précisément les niveaux de leptine dans la dépression et à s’intéresser aux patients qui présentent des taux bas de leptine.
La leptine, hormone codée par le gène ob (gène d’obésité) et sécrétée par les adipocytes, exerce son activité de signalisation via six isoformes de récepteurs. Ces récepteurs sont largement distribués dans les aires cérébrales liées aux réponses émotionnelles. C’est ce qui a conduit à l’étude de son rôle dans la régulation de l’humeur et des émotions. Ce rôle est inconnu, mais la localisation des récepteurs dans les structures limbiques indique qu’il ne serait pas négligeable.
«Pour commencer l’étude de ce rôle, nous avons mesuré les taux circulants de leptine chez des rats exposés à un stress chronique imprévisible. Et aussi à une forme de mise en échec social: vingt-quatre heures après l’arrêt du stress, les rats présentaient des taux significativement réduits de leptine en même temps que ceux de corticostéroïdes étaient augmentés, par rapport à des rats contrôles non stressés.»
La leptine donnée par voie systémique a permis de réduire le « déficit hédonique-like » induit par le stress chronique et le désespoir comportemental. Ce qui fait avancer l’idée d’un effet « antidépresseur-like » par ces auteurs.
L’hippocampe, principal site de médiation.
On note une activation neuronale dans les structures limbiques et, en particulier, dans l’hippocampe avec une activation des récepteurs de la leptine. «Ce qui suggère que l’hippocampe serait, au niveau cérébral, le principal site de médiation des effets de la leptine sur la régulation de l’humeur.» La perfusion dans l’hippocampe de leptine a entraîné, sur le test de la nage forcée, un effet similaire à celui produit par son administration systémique. A contrario, l’administration de leptine dans l’hypothalamus réduit le poids corporel (ce que l’on savait), mais n’a pas d’effet sur le test de la nage forcée. «Ce qui nous permet de suggérer qu’une anomalie de la production de leptine pourrait participer aux phénotypes de dépression induite par le stress.»
« Proc. Natl. Acad. Sci. », édition en ligne.
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