Durée du vol
Les voyages aériens (mais aussi routiers) de longue durée augmentent-ils l'incidence de la maladie thromboembolique veineuse (Mtev) ? L'incidence annuelle de la Mtev est estimée à 1/1 000, avec une mortalité de 2 %. Après un voyage, l'incidence est de 27 embolies pulmonaires (EP) par million de vols. L'écho-Doppler systématique dépiste 0,5 cas par million de voyageurs (risque multiplié par 2 par rapport à la population générale). L'incidence varie en fonction de la durée du vol ou de la distance parcourue : 0 % pour les vols de moins de 6 heures, 0,25 % pour les vols de 6 à 8 heures et 1,65 % pour les vols de plus de 8 heures.
Le risque d'EP apparaît dépendant de la distance parcourue en avion (1,5 cas/million lorsque le voyage est supérieur à 5 000 km versus 0,01 cas/million en cas de voyage de moins de 5 000 km). Ce risque augmente à 4,8/million en cas de voyage supérieur à 10 000 km.
Passagers à risque
Cependant, le risque n'est pas le même pour tous les voyageurs… Par rapport à une personne sans thrombophilie (toutes thrombophilies confondues) et qui n'a pas voyagé, le risque relatif (RR) de Mtev pour un thrombophile est multiplié par 6, et par 16, s'il voyage. Une jeune femme sous estroprogestatif (OP) a un RR multiplié par 4, et par 14, si elle voyage.
Ces données nous incitent à cibler nos conseils de prévention pour les personnes effectuant un long vol (plus de 4 heures, si on veut se donner une marge de sécurité, ou plus de 5 000 km), et particulièrement si elles présentent des facteurs de risque intrinsèques :
–risque modéré (en présence d'au moins un risque personnel, le risque attribuable [RA] croît à 3,6) : âge supérieur à 40 ans ; contraception OP et traitements hormonaux ; obésité (RR x 5, si IMC > 30 kg/m2) ; insuffisance veineuse chronique ; sportif de haut niveau ; grossesse (RR x 2,5) et post partum (RR x 20) ; consommation excessive d'alcool, de café, de tabac, d'hypnotiques pendant le vol…
–sur-risque élevé : antécédents de Mtev, thrombophilie, cancer, intervention chirurgicale ou traumatisme récent…
Prévention
Seul l'effet préventif des bas élastiques de classe I ou II au genou (la contention doit être dégressive et de taille adaptée), a été démontré, avec un pourcentage d'événements thromboemboliques (ETE) passant de 3,7 (sans) à 0,2 % (avec port de bas).
On recommandera donc :
–des mesures simples de prévention : se lever et déambuler pendant 5 à 10 min par heure de vol, se mettre sur la pointe des pieds et les talons de manière répétée ; faire des mouvements de contraction musculaire : flexion-extension en position assise, pieds-jambes-bassin, 15 mouvements toutes les demi-heures (tous les quarts d'heure pour les sujets à risque) ; ne pas croiser les jambes ; s'hydrater : 1 litre d'eau (les boissons isotoniques sont préconisées) pour 4 à 6 heures de vol ; porter des vêtements amples, sans ceinture ; proscrire tabac, alcool, hypnotiques ;
–et,selon le voyageur:
Pour un voyageur sans facteur de risque : la contention de classe I peut être utile.
Pour un voyageur à risque modéré : contention de classe II, de l'aspirine 100 mg la veille et le jour du voyage (par extrapolation de l'étude PEP où de faibles doses d'aspirine réduisent du tiers le risque d'EP chez les patients à risque de TVP en postopératoire et selon les conclusions de l'étude OPTIMEV : le risque de Mtev est divisé par 2 chez les patients sous antiagrégants). Son efficacité n'a pas été prouvée ; les veinoactifs constituent une alternative à la compression, surtout quand elle est contre-indiquée ou mal tolérée (artériopathie, intolérance aux bas, chaleur, faible observance, etc.), et accentuent les effets de la compression. La recommandation est de grade A pour les flavonoïdes (exemple : Daflon) en cas d'insuffisance veineuse superficielle.
L'existence d'un risque élevé incite à une prévention active : contention de classe II ; une injection prophylactique une heure avant le départ d'une Hbpm (avec surveillance plaquettaire) ou du fondaparinux (Arixtra) 2,5 mg.
On peut aussi proposer de différer un voyage si le risque est élevé de façon temporaire ( post partum, postchirurgie…).
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